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Madagascar
La logique du pire
Après avoir longtemps laissé la rue à son contestataire, Andry Rajoelina, le président malgache, Marc Ravalomanana, a repris la main, en réussissant à mobiliser près de 25 000 de ses partisans hier dans le stade municipal d’Antananarivo alors même que le maire déchu avait appelé à une ville morte.
Si la capitale a tourné au ralenti mercredi, force est cependant de reconnaître la réussite de l’initiative du président. Il faut avouer que Ravalomanana, en organisant ce meeting, jouait gros : soit il parvenait à mobiliser fortement ses partisans, auquel cas il faisait la preuve de sa force et de sa légitimité, soit alors ceux-ci refusaient de répondre à son appel, se terrant dans leurs maisons, et c’était la preuve que le président est vomi et isolé de son peuple.
A présent, on doit pousser un ouf de soulagement au palais présidentiel au vu de la mobilisation d’hier, surtout que l’objectif de ce meeting était de montrer, voire de démontrer à Madagascar et à la communauté internationale que « la voix du peuple n’est pas celle véhiculée sur la place du 13-Mai (ndlr : par les partisans de Rajoelina) et que le peuple est majoritairement derrière le président ».
Mais il faut dire qu’à l’annonce de la tenue de ce meeting, c’était vraiment l’expectative chez beaucoup de gens, pas au sujet de la réussite ou non de ce rassemblement, mais surtout à cause de l’incertitude de son issue. Alors chacun retenait son souffle, se demandant s’il y aurait un affrontement entre les partisans des deux camps qui s’opposent.
Une crainte légitime vu que, depuis le déclenchement de ce bras de fer, des dizaines de Malgaches ont perdu la vie lors de diverses manifestations.
Comme on le voit, l’heure est à la démonstration de force à Tana. Chacun bande ses muscles pour dire à l’autre, "regarde, moi aussi j’ai du monde avec moi". C’est dire que la situation est plus que jamais bloquée sur la Grande Ile où chaque camp campe sur ses positions et même compte ses morts en cherchant à s’attirer la compassion et la sympathie de la population.
Une chose est cependant certaine : le peuple malgache va payer un lourd tribut à ces crises à répétition. En l’espace de sept ans, le pays est à sa deuxième crise politique profonde. Ainsi, en 2002, c’est avec l’appui de la foule que Marc Ravalomanana, qui avait pourtant remporté l’élection présidentielle, a pu contraindre Didier Ratsiraka à lui céder le fauteuil présidentiel.
A l’époque, la communauté internationale avait rapidement pris fait et cause pour Ravalomanana. Ce combat avait contribué à donner de Madagascar une image positive, celle d’un pays démocratique. Mais la présente crise est venue écorner gravement cette image, en véhiculant une autre idée sur ce pays, celle d’un peuple qui, pour un oui ou un non, est prompt à descendre dans la rue et à paralyser durant des semaines l’économie de l’île.
Et çà, c’est un mauvais signal qui vient d’être envoyé aux investisseurs ; ceux-là, on le sait, préférant investir dans les pays stables où ils ont quelques garanties pour leurs investissements. On peut avoir beaucoup de choses à reprocher au président Ravalomanana qui est loin d’être un enfant de chœur, seulement, il faut que la voie légale soit la piste privilégiée pour résoudre les problèmes.
Force doit donc rester à la loi et non à qui peut mobiliser la foule. Porté au pouvoir par le peuple et la communauté internationale, l’homme d’affaires Marc Ravalomanana, à l’épreuve du pouvoir, a mal tourné, englué dans des conflits d’intérêts entre ces nombreuses sociétés et la gestion de l’Etat. Seulement, est-ce une raison suffisante pour qu’un citoyen, fût-il le maire de la capitale, puisse s’arroger le droit de lancer ses militants à l’assaut de la présidence de la république ?
Le bon sens commande qu’on dise non. Rajoelina aurait dû épuiser tous les recours légaux avant d’appeler la population à descendre dans la rue. Mais on ne peut pas ne pas déplorer le manque de sang froid de la garde présidentielle qui aurait pu utiliser des gaz lacrymogène ou même tirer à balles blanches. N’empêche, nulpart à Paris ou à Washington, on ne marche impunément sur la présidence.
Dans tous les cas, puisque la calebasse d’eau a déjà été renversée, il urge à présent de trouver une solution à cette crise qui n’a que trop duré. Il faut forcément aboutir à un modus vivendi, une paix des braves. Mais cela n’est possible que si les deux adversaires se comportent comme de vrais hommes d’Etat.
Les deux rivaux doivent faire la preuve de leur attachement à l’intérêt général de Madagascar, en acceptant d’aller aux négociations, auxquelles la communauté internationale les presse. Autant dire que c’est maintenant que les Malgaches sauront qui de Ravalomanana ou de Rajoelina lutte pour leurs intérêts.
San Evariste Barro
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