mercredi 4 février 2009

MADAGASCAR TRIBUNE 05/02/09


> Editorial
Délégation spéciale
Une mesure précipitée, faute de mieux
Malgré les explications données par le Ministre de l’Intérieur, Gervais Rakotonirina, l’arrêté qu’il a édicté nommant un Président de Délégation Spéciale à la tête de la commune d’Antananarivo ne paraît pas très convaincant.
La loi 94-008 du 26 avril 1995 fixant les règles relatives à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions des collectivités territoriales décentralisées, révisé par la loi 029/08 adopté par l’Assemblée Nationale et le Sénat en Novembre 2008 précise en effet :
« Art. 60 - Les Maires et ses adjoints, les Présidents et les vice-présidents du Bureau exécutif, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leurs sont reprochés, et sur délibération du conseil, peuvent être suspendus par un arrêté du Ministre chargé de l’Intérieur, pour un temps qui n’excédera pas un mois et qui peut être porté à trois mois par le Premier Ministre.
Dans tous les cas, les Maires ne peuvent être destitué que par Décret pris en Conseil des Ministres à la suite d’une condamnation de la juridiction compétente. Les adjoints et les autres membres du Bureau Éxécutif peuvent être démis de leur fonction par décision du Maire.
Les arrêtés de suspension et les décrets de destitution doivent être motivés. Le recours peut être porté par les intéressés devant le Conseil d’Etat dans les dix jours de la notification.
Dans le cas de destitution du Maire ou du Président du Bureau exécutif, le Ministre de l’Intérieur fait procéder à une nouvelle élection dans les 60 jours à compter de la date du décret s’y rapportant.
Art. 61 - En cas d’absence, de suspension, de destitution ou de tout autre empêchement, le Maire ou le Président du Bureau exécutif est provisoirement remplacé dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint au Maire ou un Vice-président, dans l’ordre des nominations. »
En nommant de son propre chef une délégation spéciale, alors qu’il n’a été ni saisi par le Conseil Municipal ni informé d’une condamnation judiciaire d’Andry Rajoelina, et sans donner dans son arrêté les motifs de sa décision, le Ministre de l’Intérieur a pris à plusieurs reprises un risque élevé de se voir désavouer par le Conseil d’État.
Il est vrai que le rythme imposé par Andry Rajoelina a largement dépassé le gouvernement. Faute d’arriver à trancher entre apaisement et fermeté, le pouvoir officiel semble vouloir parer au plus pressé et tente d’occuper le terrain en mettant en avant Guy Randrianarisoa.
Le pouvoir a en effet compris qu’il ne pouvait aller très loin dans la répression des manifestations. Au retour du Président de la République d’Afrique du Sud, le 25 janvier, Marc Ravalomanana et Charles Rabemananjara s’étaient montrés très fermes, annonçant un vigoureux et rapide retour à l’ordre. Dès le lendemain, Madagascar connaissait les émeutes les plus meurtrières de l’histoire du pays depuis l’indépendance, pendant que les forces de l’ordre restaient étrangement passives.
Marc Ravalomanana justifia ensuite la non intervention de l’armée par son refus de voir couler le sang, mais la contradiction entre les deux déclarations ainsi que l’attitude des forces de l’ordre montrent les limites du pouvoir du Gouvernement lorsqu’il s’agit de manier le bâton.
Sinon, pourquoi ne pas tout simplement, comme le permet la Constitution, déclarer une situation d’exception, à savoir la situation d’urgence, l’état de nécessité ou la loi martiale ? Pourquoi tergiverser pour ce qui est d’arrêter Andry Rajoelina qui a manifestement outrepassé à de nombreuses reprises la loi ?
Faute de pouvoir manier le bâton, Marc Ravalomanana peut-il brandir la carotte ? Il a aussi essayé de le faire, mais même affaibli, son adversaire se montre extrêmement rétif. Pressé par une foule délicate à maîtriser et les proches de Roland Ratsiraka, le TGV continue dans sa logique de coup d’état. La hantise d’un coup de force du clan Ratsiraka empêche Marc Ravalomanana d’attendre sereinement que le mouvement d’Andry Rajoelina soit suffisamment affaibli pour lui tendre une main magnanime.
Sauf réaction très vigoureuse et très rapide de la communauté internationale et de tous ceux qui souhaitent l’émergence d’un véritable État de Droit à Madagascar, il faut bien reconnaître que le coup d’État, même s’il ne rassemble plus grand monde, est très prêt de réussir
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Politique
Michèle Ratsivalaka
Andry Rajoelina désigne son successeur

jeudi 5 février 2009, par Rakotoarilala Ninaivo, Rédaction internet
Michèle Ratsivalaka, l’adjoint de Andry Rajoelina au niveau de la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA), a été placée à la tête de la commune par le maire sortant.
La désignation a été annoncée par le maire à ses partisans hier à Mahamasina. Michèle Ratsivalaka a été placée à son nouveau poste le jour même par Andry Rajoelina.
Ainsi, les partisans de Andry Rajoelina qui ont participé au sit-in devant le stade municipal de Mahamasina, ont été invités à se déplacer à Tsimbazaza pour placer Michèle Ratsivalaka à son nouveau poste. Cette dernière a ainsi eu droit à une double cérémonie d’investiture : la première au bureau de la mairie à Mahamasina, et la seconde au bureau à Tsimbazaza. Ceint de son écharpe, Andry Rajoelina est entré dans son bureau à Tsimbazaza pour introniser Michèle Ratsivalaka et symboliquement lui remettre son écharpe de maire.
« Je suis très surprise par cette décision. Mais vu que le maire va occuper une haute fonction au niveau nationale, alors j’accepte le poste. Je vais faire de mon mieux pour développer Antananarivo. Je vais assumer mon nouveau poste avec honneur, respect et sagesse ». On peut ainsi résumer le discours fait par Michèle Ratsivalaka à Mahamasina. Elle demande l’appui de toute la population d’Antananarivo, et même de Madagascar tout entier. En effet, pour elle : « lorsqu’Antananarivo va, tout Madagascar va ».
Dans leur majorité, les locaux de la municipalité sont restés fermés lors de la journée d’hier.
Andry Rajoelina appelle à un autre sit-in devant le stade municipal de Mahamasina aujourd’hui, pour protéger le nouveau responsable qu’il vient de désigner.
Michèle Ratsivalaka est économiste de formation. Elle a été fondatrice et directeur général des projets SECALINE et FID, et a été ministre de la lutte contre la pauvreté et des logements sociaux, à l’époque où Zafy Albert était Président de la République.
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En bref
jeudi 5 février 2009
Pour ce qui est des vols des motos destinées aux maires dans la région de SAVA, lors des dernières émeutes.
125 des 300 motos volées ont été retrouvées selon les affirmations du ministre Gervais Rakotonirina hier. Ce sont les barrages installées dans cette région qui ont permis de les retrouver
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Guy Rivo Randrianarison
Le peur au ventre

jeudi 5 février 2009, par Rakotoarilala Ninaivo
Quatre camions, plein d’éléments de l’EMONAT, sont stationnés depuis hier, à Anosy, à proximité du bureau du nouveau PDS de la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA), Guy Rivo Randrianarison.
Ce dernier est encore directeur général du ministère de la décentralisation. Il a son bureau à Anosy, à côté du bâtiment de l’INSTAT.
Hier matin, son véhicule 4x4, une Nissan Patrol gris métallisé, a été aperçu à proximité de ce bureau d’Anosy. C’est cette voiture qui l’avait conduit au bureau de la mairie de la capitale, à Mahamasina, mardi dernier, pour la notification de la désignation d’un PDS à la tête de la CUA.
Tous ces faits peuvent signifier que Guy Rivo Randrianarison travaille à Anosy et qu’il a besoin d’une protection particulière. Mardi dernier, lors de la notification de la désignation d’un PDS à la tête de la CUA, la peur se lisait sur le visage de Guy Rivo Randrianarison. Son chauffeur avait reçu comme consigne de ne pas éteindre le moteur de sa voiture. Des hommes musclés en tenue civile étaient installés autour de la porte et dans la cour du bureau de la mairie.
Guy Rivo Randrianarison s’est montré assez nerveux lorsqu’il a répondu aux questions des journalistes, mardi dernier à Mahamasina. Pour la raison de la désignation d’un PDS, il renvoit la balle dans le camp du préfet de police Edmond Rakotomavo. « Vous devez demander au préfet, c’est lui qui représente l’Etat ».
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Politique
Quelques déclarations de la journéejeudi 5 février 2009

Ministère Français des Affaires Étrangères : point de presse du 04 février 2009 :
• Question : Avez-vous une réaction à la destitution du maire à Madagascar ? Cela ne semble pas aller dans le sens du dialogue que vous préconisez.
Réponse : Nous regrettons les décisions prises de part et d’autre, qu’il s’agisse de la demande de déchéance du président Marc Ravalomanana ou de la destitution du maire de Tananarive, Andry Rajoelina, et de son conseil municipal.
Ces décisions ne peuvent qu’envenimer les relations déjà difficiles entres les parties et éloignent la perspective d’un dialogue, pourtant indispensable pour sortir durablement de cette crise politique.
La France considère qu’il est impératif de respecter la légalité. Toute solution pacifique à la crise doit passer par un dialogue politique entre les parties.
Andry Rajoelina : sur Radio Viva, journal de la mi-journée Les militaires qui le soutiennent seront présentés officiellement Samedi.
Charles Rabemananjara au 12ème Sommet de l’Union Africaine :
Il réaffirme « l’engagement de Madagascar à accueillir le 13ème Sommet de l’Union Africaine au mois de juillet 2009 ». Interrogé sur une éventuelle arrestation du maire, il déclare qu’il ne lui revient pas de « qualifier une infraction et un acte quelconque, une cellule d’enquête étant déjà mise en place », tout en affirmant sa confiance en la justice malgache.

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Focus
Chronologie de l’affaire Daewoo

lundi 2 février 2009, par Patrick A.

Rarement un dossier foncier aura autant enflammé les passions. Aussi tentons-nous de résumer les faits disponibles.
Qui est Daewoo ?
Le conglomérat Daewoo est fondé en 1967 par Kim Woo-choong. Il opère dans de nombreux domaines, dont la construction navale, les armes, l’électroménager, les appareils électroniques, et l’automobile.
Malgré un endettement excessif, le groupe se maintient grâce aux appuis politiques dans plusieurs pays et à la position de son dirigeant à la tête de la Fédération coréenne des industries. Sa position devient cependant de plus en plus fragile.
Daewoo est finalement démantelé en 1999 par le gouvernement sud-coréen à la suite d’une faillite frauduleuse.
L’ancien patron Kim Woo-choong a été condamné par la justice sud-coréenne en mai 2006, à dix ans de prison pour fraude et détournement de fonds en liaison avec cette faillite retentissante. Il a été amnistié début 2008.
Daewoo Logistics Corporation est né du démantèlement du groupe Daewoo en 1999. Elle s’est d’abord consacré aux activités de logistique et de transport pour les sociétés d’import/export : transport maritime, logistique de ports ou d’aéroport.
Depuis 2006, Daewoo Logistics a aussi développé de grands projets de développement de ressources naturelles en Indonésie : plantation de maïs, huile de palme, caoutchouc, et mines de charbon.
Est-il vrai que Daewoo est dirigée par un escroc international ?
Il apparaît à travers ces faits que l’affirmation d’Andry Rajoelina selon laquelle le patron de Daewoo est un escroc international recherché par Interpol est erronée, car elle se base sur un amalgame entre l’ancien groupe Daewoo et les sociétés issues de son démantèlement qui n’ont plus aucun lien avec Kim Woo-choong, et qui elle-mêmes n’ont plus pour la plupart aucun lien entre elles.
Que fait Daewoo Logistics à Madagascar ?
Depuis début 2008,
Daewoo Logistics s’occupe d’une partie de la logistique et du transport nécessaire au projet Ambatovy Nickel, qui est lui-même une coentreprise entre le canadien Sheritt, Korea Resources Corporation (Kores) et le japonais Sumitomo.
Il n’y a pas de société appelée Daewoo Madagascar. Daewoo Logistics a un bureau local qui s’occupe exclusivement de transport. Par contre, c’est une filiale de Daewoo Logistics, appelée Madagascar Future Entreprise, et qui a son siège à Antananarivo (Ivandry) qui s’occupe d’agribusiness.
Quelles sont les origines de « l’affaire Daewoo » à Madagascar ?
Fin Octobre, une délégation de Daewoo Logistics, de Kores, et d’une autre grande société coréenne, Posco (sidérurgie/métallurgie)
rend visite au président Ravalomanana.
Madagascar Future Entreprise a bien effectué des études sur des terres, les a remises au gouvernement et a déposé auprès de l’EDBM une demande d’autorisation pour pouvoir acquérir des terrains. En soi, ces démarches sont conformes à la législation.
Nous n’avons pas pu recouper la surface de terrains pour lesquels une demande a été effectivement déposée.
L’affaire éclate véritablement lorsque le 17 novembre, Daewoo Logistics annonce à la presse coréenne avoir marqué son accord pour louer 1,3 millions d’hectares pour une durée de 99 ans.
L’information est reprise par le correspondant local de la BBC, et les principales agences de presse en matière financière :
Bloomberg, Reuters, AFP, Associated Press qui interviewent notamment le directeur financier de Daewoo Logistics, Shin Dong-hyun.
La médiatisation de l’affaire augmente encore lorsque le Financial Times
affirme que la location de terres pourrait se faire gratuitement.
Le gouvernement malgache
nie que les accords aient été déjà donnés, ou que la cession soit gratuite. Dans un premier temps, Daewoo dénonce la présentation des faits par le Financial Times, mais ne critique pas celle faite par les autres médias.
Erreur d’interprétation de la part de Daewoo Logistics, erreur de communication entre les représentants locaux de Daewoo et leur siège social ou projet réel déjà très avancé ? Il nous est difficile de répondre.
Que va-t-il se passer ?
Le directeur financier de Daewoo Logistics
reconnaît que le projet est désormais bien compromis : « Nous avons de graves difficultés à Madagascar. Le projet se déroulait correctement, mais il a été brutalement stoppé à cause des compte-rendus des médias. Ces compte-rendus ont mis en colère les malgaches car il les rend honteux de faire partie de ce qu’ils appelent un système néo-colonial ».

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