mercredi 9 octobre 2013

Plantu : Berlusconi vaincu par le rire

10 octobre 2013
Contraint de renoncer à faire tomber le gouvernement Letta, l'ancien président du conseil italien semble avoir perdu tout crédit dans la manoeuvre

Berlusconi vaincu par le rire


" Le Peuple de la liberté " : Berlusconi et son parti politique, vus par le Néerlandais Joep Bertrams (publié dans " De Groene Amsterdammer ").
Rome, correspondant

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Silvio Berlusconi vu par le dessinateur britannique Steve Bell (publié dans " The Guardian ").

" Travaux d'intérêt général ", dessin de l'Italien Giannelli (publié dans " Corriere della sera "). Au mur, le portrait du président du conseil, Enrico Letta.

Dessin de la Suisse Caro (publié dans " PME magazine ").

Le petit réfugié à Berlusconi : " Travaux d'intérêt général ? Ça voudrait dire quoi exactement dans ta langue ? " Condamné à quatre ans de prison qu'il ne fera pas en raison de son âge, Silvio Berlusconi a le choix entre l'assignation à résidence et les travaux d'intérêt général (" servizi sociali "). Dessin de l'Italien Mauro Biani (publié dans " Il Manifesto ").
Qu'il est doux parfois de se tromper. A peine avions-nous écrit (Le Monde du 27 avril) : " La politique italienne est une mêlée apparemment furieuse entre la droite et la gauche, et, à la fin, c'est Berlusconi qui gagne ", que les faits viennent nous démentir. Et c'est heureux. Le 2 octobre restera pour le Cavaliere la date de sa " mort politique ", même si l'animal a souvent déjoué les pronostics.
Pour avoir voulu " relancer ", comme dans une partie de poker, alors qu'il n'avait pas les moyens de " suivre ", le milliardaire lombard a été défait par le président du conseil, Enrico Letta, aidé d'Angelino Alfano, le ministre de l'intérieur, dont le prénom (" petit ange ") sonne désormais comme un exemple d'antiphrase ironique. Jusque-là dauphin, ce jeune avocat sicilien s'est transformé en petit Brutus, obligeant son mentor à voter piteusement la confiance au gouvernement qu'il voulait faire tomber sous peine de voir son parti, le Peuple de la liberté, voler en éclats.
Voilà pour l'explication politique. Mais on se remet toujours d'une défaite. Et les exemples ne manquent pas de politiciens groggy, remontés sur leur cheval. Alors pourquoi Silvio Berlusconi, condamné définitivement à quatre ans de prison pour fraude fiscale, poursuivi dans deux ou trois autres affaires (prostitution de mineure, abus de pouvoir, corruption d'un élu), ne pourrait-il pas en faire autant ?
Second rôle de la farce
Si les Italiens pardonnent volontiers les fautes (à condition qu'elles soient admises) et si M. Berlusconi plaît encore à une frange (de plus en plus réduite) de l'opinion, il n'est pas certain qu'ils aient de l'indulgence pour la dernière manoeuvre de l'ancien président du conseil. Passant d'une tactique à une autre, ballotté entre les conseillers " faucons " et les conseillers " colombes ", il a été en fin de compte indécis, timoré, démuni. Sa déroute est totale, manquant même du panache qui aurait pu la rendre romanesque. En un mot comme en cent, il a été totalement ridicule.
Voilà peut-être le plus impardonnable pour un peuple dont on sous-estime largement la cruauté légère. Les comédies italiennes sont pleines de ces personnages qui attirent sur eux toutes les misères de l'existence et font rire à leurs dépens, comme le raggionere (" comptable ") Fantozzi, interprété par Paolo Villaggio, héros récurrent d'une dizaine de longs-métrages de 1975 à 1999.
Parti pour interpréter un film catastrophe qui pourrait s'appeler " L'Italie ou moi ", où le héros, innocente victime d'une justice implacable et inhumaine, prend le pays en otage pour sauver sa peau, Silvio Berlusconi a fini par jouer le second rôle d'une farce. Le revolver qu'il tenait en main était un pistolet à bouchon, et il s'est fait berner par deux jeunots dont il pourrait être le père, Enrico Letta (48 ans) et Angelino Alfano (42 ans), eux-mêmes conseillés par le président de la République Giorgio Napolitano, 88 ans. Le titre de l'oeuvre serait tout trouvé s'il n'était déjà pris : Un génie, deux associés, une cloche.
Philippe Ridet

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