- Français aujourd'huiDUMAS StéphanieEnseigner l'écriture ou la saisir : produire un texte créatif
Considéré comme une discipline à part entière la création littéraire s’enseigne au même titre que le dessin, la musique, la danse, le cinéma ou la photo.2 Institué en 1936 à l’université d’Iowa par un auteur de nouvelles, de romans et d’essais en science-fiction du nom de K. Vonnegut (1922-2007), l’enseignement de la création littéraire se réfère avant tout au Creative writing développé dans les pays anglosaxons. À l’université de Denver, il existe même un programme de doctorat en création littéraire fondé en 1947 ; il est l’un des plus anciens du pays.
3 Dès ses débuts, l’accent a été mis sur l’importance de la curiosité intellectuelle dans la création littéraire, afin de rassembler une « pensée créative et critique » au bénéfice du procédé. A. Swallow (1915-1966) qui deviendra plus tard éditeur est à l’origine de ce concept inscrit dans une dynamique humaniste, à l’échelle internationale. D’ailleurs, c’est en 1966 que le programme s’est défait de ses racines traditionnelles occidentales, lorsque le célèbre écrivain sud-africain Es’kia Mphahlele (1919-2008) a rejoint l’université pour y enseigner la discipline.
4 Depuis des années, cette histoire de l’écriture créative fait débat et marque une tension permanente divisée en deux univers bien distincts, l’inspiration (source de la création) et le travail (relatif aux savoirs) de l’écrivain. De la sorte, la nature de la création littéraire se voit réinterrogée dans un contexte français, face aux apparitions nouvelles de formations à la création littéraire (ou à l’écriture créative) au sein d’écoles et d’universités de l’hexagone.
Du modèle anglosaxon au modèle français
5 Dans un pays où l’enseignement des lettres est à l’origine centré sur l’analyse des textes, ce type d’initiative reste connotée péjorativement, ce qui explique, peut-être, et en partie, un certain rejet.
6 Allant de l’atelier d’écrire d’un jour à la formation universitaire sur deux ou trois années, ces dispositifs incluent toujours l’analyse des écrits (mais souvent, de textes autoproduits) avec en plus, l’approche des publics, la méthode didactique, l’utilisation d’outils (avec mise en forme des résultats), la recherche d’idées et le traitement des informations, éventuellement le droit d’auteur et de la propriété intellectuelle, allant même parfois jusqu’à l’imagination créative.
7 L’université de Toulouse 2 - Le Mirail est la première université à avoir proposé en 2012 un enseignement basé sur le modèle anglosaxon, avec un master « Métiers de l’écriture »[1][1] [http:/ / www. univ-tlse2. fr/ accueil-utm/ formation/ offre-de-formation/ master-metiers-de-l-ecriture-177769. kjsp]. ...
suite, inspiré de ces pratiques (Creative writing). Cependant, d’autres initiatives ont vu le jour avant, par exemple sous la responsabilité de J. Biguenet, auteur et dramaturge réputé aux États-Unis, qui a mis en place des cours d’été de Creative writing à l’université américaine de Paris[2][2] Site Web de J. Biguenet : [http:/ / www. biguenet. com/ summer-workshop-in-paris]. ...
suite.
8 Il en va de même, par le biais de F. Bon qui, en 2010, a participé à la création d’une unité d’écriture créative destinée au 1er cycle de Sciences politiques de Paris. F. Bon a commencé à animer des ateliers d’écriture auprès des publics en difficulté sociale et des étudiants des écoles d’arts. L’écrivain dispense son enseignement en tant que professeur invité par diverses universités françaises, belges et canadiennes. Il existe d’autres références dans ce domaine ; toutefois, pour ce qui concerne les cursus universitaires, en France, nous sommes loin des 800 formations dispensées aux États-Unis. En effet, le premier master de « Lettres et création littéraire » a été inventé en 2012 à l’université du Havre[3][3] [http:/ / www. univ-lehavre. fr/ ulh_ services/ Master-Lettres-et-creation]. ...
suite où l’on retrouve justement F. Bon, qui revendique l’écriture comme étant avant tout une pratique. La formation est répartie sur une année en huit ateliers de deux jours ; elle n’est qu’un parcours au sein du master.
9 Un second master doit s’ouvrir à la rentrée prochaine, en 2013-2014, à l’université Paris 8, le master de Création littéraire[4][4] [www2. univ-paris8. fr/ litteraturefrancaise/ images/ siteMasterCréation3. pdf]. ...
suite. Il s’adresse à tous les étudiants détenteurs d’une licence, essentiellement motivés par l’écriture de création et souhaitant s’y investir pleinement (récit de fiction, recueil de poésie, pièce de théâtre, projet d’écriture multimédia, écritures de performances, etc.). Cependant des réseaux plus anciens existent. C’est la cas à l’université Cergy-Pontoise, en référence au réseau « Pratiques d’écriture créative à l’université » où des ateliers d’expression écrite sont dispensés dès la première année de licence. À l’université de Provence, l’école doctorale « Langues, lettres et art » (dirigée par J.-R. Fanlo) développe actuellement un doctorat « Théorie et pratique de la création » en littérature. Cette mention sera encadrée par un écrivain et par un universitaire. Une licence « Ateliers d’écriture » est par ailleurs en projet. Cette énumération est sans doute partielle, mais elle est révélatrice d’une dynamique avérée en matière d’éducation à la création littéraire.
10 Ce qu’il faut en retenir revient à un critique et spécialiste de l’histoire littéraire du XXe siècle du nom de M. McGurl (2009), puisqu’il a écrit un ouvrage intéressant sur la formation à la création littéraire[5][5] Dont le titre, The Program Era : Postwar Fiction and...
suite, au sein duquel il relève l’importance de présenter son travail aux autres participants d’après une méthode qu’il découpe en trois temps :
11
- exposer ce que l’écrivain souhaite en s’appuyant sur des auteurs contemporains et des textes précis ;
- temps individuel d’écriture ;
- temps collectif de lecture à haute voix, commentaires et recherche sur le texte entendu.
12 D’après lui, il s’agit d’une série d’étapes cruciales dans le développement des capacités de l’écrivain.
13 J. Gardner, professeur à l’université d’Iowa (qui reste l’une des formations les plus reconnues du pays) présentait quelques-uns de ces éléments dans son ouvrage sur l’art de la fiction : The Art of fiction. Notes on craft for young writers, publié en 1991 aux éditions Vintage.
14 Le but consiste à discuter des textes après une lecture non spécialiste ou critique, axée vers le métier d’écrivain. À la différence de l’analyse de textes, il s’agit de comprendre la manière dont est construit un texte (un peu comme une œuvre d’art). En revanche, ces formations ne dispensent pas de cours sur la meilleure stratégie à appliquer pour se faire publier.
15 Aux États-Unis, à l’origine, il n’y avait pas de cours sur le fonctionnement des maisons d’édition alors qu’à l’université du Havre, des cours sur l’édition sont prévus, en relation avec le monde numérique (la question des blogs et autres), mais ces derniers ne relatent pas directement les moyens adaptés à l’écriture d’un bestseller.
16 De manuscrits d’écrivains en ratures éphémères, l’élève-écrivain apprend à créer des systèmes romanesques fondés sur la répétition, il découvre une certaine « stéréotypie » basée sur une imprégnation littéraire volontaire, décuplée par la fréquentation d’un environnement propice à l’épanouissement de sa pratique personnelle (relatif à un suivi personnalisé). L’élève-écrivain se voit ainsi doté d’outils d’imitation / de reproduction ou d’un format (age) digne du « secret industriel » que seuls les initiés auront l’honneur d’explorer.
17 Globalisation de l’écriture peut-être ; à savoir si cela fonctionne, c’est une autre histoire !
Entre répétition du processus de création littéraire et révélation artistique
18 Le sens de la relation entre le texte et son auteur (l’écrivain en devenir) s’en voit par conséquent modifié, ce qui nous impose de réinterroger la nature de ces artefacts artistiques, par rapport aux interactions avec la société ou avec l’histoire, afin de reconnaitre les mouvements, les écoles de pensée et éventuellement les « styles » sous-jacents.
19 Au-delà des questions basiques que nous venons de poser indirectement : Comment naissent les écrivains ? Peut-on fabriquer des écrivains ? Quelles sont les figures de l’écrivain ? Nous en venons à nous demander si l’œuvre produit un savoir-faire ou si elle peut encore être considérée comme l’expression d’une créativité (connotée esthétiquement et historiquement) ? Aussi, l’écriture apprise et enseignée en France est-elle transposable ailleurs ? Nierait-elle l’inventivité, voire l’intuition, s’il y en a, de l’artiste ? Cette dernière – l’intuition – peut-elle aussi être éduquée ? Et finalement, existe-t-il une représentation sans but ? Peut-on écrire sans se raconter ? Raconter ou s’écrire ? Que disent les traces laissées sur le papier (ou sur l’écran) de cet écrivain ?
20 Ainsi, des pratiques singulières d’écriture aux pratiques collectives, ladite création littéraire peut être étudiée en fonction d’au moins cinq approches : l’approche académique ; l’approche critique (voire herméneutique) ; l’approche humaniste (l’écrivain créateur de mythes) ; l’approche psychanalytique ; l’approche anthropologique (liée à la communication et aux techniques). Cette liste n’est pas exhaustive, elle pourrait très bien inclure l’approche historique, économique et juridique ; ce qui s’éloigne cependant des préoccupations de notre étude.
Les techniques de la pensée du néo-écrivain
21 Nous venons de voir qu’inscrite dans un champ didactique, l’écriture cherche à produire des effets sur un destinataire (ou un lecteur présumé). Cette technique, nous semble-t-il, est proche du champ d’investigation des sciences de l’information-communication. D’ailleurs, déjà dans Lector in fabula (1979), U. Eco insistait bien sur le fait que le texte est dépendant du destinataire, que c’est même une condition pour qu’il soit en capacité de communiquer.
22 Pour Y. Jeanneret, le livre peut être considéré comme un média, c’est-à-dire qu’il est un objet qui ne fait pas que s’associer à du social, mais qui en produit :
23
Celui qui lit un livre est confronté à une production médiatique, créée au sein d’un dispositif, qui a sur lui deux effets : l’impliquer corporellement et intellectuellement, lui proposer un ensemble de signes à interpréter. (2008 : 50)
24 Non loin de l’idéologie du consumérisme, faut-il alors considérer l’écrivain soumis à la doxa et plus précisément sa technicité comme un art de la mimésis ? Qu’est-ce qu’il produit sur le récepteur-lecteur ? À quoi cela renvoie-t-il ?
25 Chercher les traces les plus probantes d’une influence culturelle ou sociale dans l’écriture, reviendrait à analyser les mécanismes de la fiction littéraire, les dynamiques du savoir, afin d’en dégager une réflexion épistémologique et méthodologique. En étudiant la matérialité du texte en tant que telle, sa relation entre les techniques (ses outils) et la création en elle-même, la démarche ressemble un peu à un essai de sémiotique, en quête de production de sens. Certes, la forme et le contenu d’un livre sont indissociables. Nous savons bien que l’étude de la première de couverture s’avère essentielle dans cette captation, qu’elle sollicite l’imaginaire du lecteur et que, s’il le souhaite, il pourra tirer ses premières hypothèses sur les lieux et l’époque d’un livre, sur les personnages, sur l’atmosphère et l’univers du texte.
26 Il va sans dire que le choix des motifs, des couleurs, des formes, de la typographie reprend, précise et oriente les connotations de toute une histoire. Tout comme la quatrième de couverture, à la fois informative et argumentative, l’objectif est d’acquérir l’ouvrage et d’entrer dans l’univers de l’œuvre. Certains ouvrages sont ainsi regroupés au sein de collections dont les signes particuliers facilitent par ailleurs l’identification du genre. Tout ceci forme un ensemble de connaissances et l’acquisition d’un code commun de compréhension du contenu communiqué. De là, pourrait-on dire, nait une sorte de « culture globale », dont la transmission fait partie intégrante du phénomène éducatif et culturel. La culture dont il est question ne constitue qu’une bride de la culture (au sens plus large), mais elle nous renseigne sur la ou les visions et actions d’un ou de plusieurs groupes assez labiles de producteurs de ces savoirs.
27 Le langage, lui-même, est considéré par le père du structuralisme, C. Lévi-Strauss, comme un produit de la culture. Il n’en est qu’une partie, un de ses éléments parmi tant d’autres. Le langage est même une condition de la culture, un discours que la société tient sur elle-même et, dans ce sens, il relève plus des pratiques sociales. Systèmes culturels et systèmes de communication sont donc rattachés au langage. L’écrit, qui est intrinsèquement lié à ce langage, est la résolution sociale de ce que nous pourrions appeler un « inconscient collectif ». Néanmoins, si l’on considère que l’œuvre de l’écrivain est personnelle, un problème se pose alors avec cette création venue d’un Autre, suivant une certaine aliénation d’ordre systémique et relative à l’affirmation de soi en tant que sujet-écrivain. N’y aurait-il pas là un risque de négation de l’artiste ?
L’écrivain-artiste
28 Pour O. Rank, il y a deux types d’artistes, l’artiste subjectif qui a besoin d’individu pour justifier sa création et l’artiste primitif qui trouve sa justification dans l’œuvre, elle-même justifiée par la vie du maitre ou par un témoin de sa vie. Dans le premier cas, l’artiste est doté – malgré lui peut-être – d’une mystérieuse force collective, d’un pouvoir à partir duquel on émet souvent l’hypothèse d’un génie qui opère dans l’artiste. Suivant ce regard, l’œuvre (ou le texte) est la recréation arbitraire d’objets donnés et non une copie (sorte d’imitation du réel). Si copie il devait y avoir, elle serait avant tout autonome et liée au processus plus qu’à l’objet. Ce dernier est le produit de cette fiction, l’artéfact, évoqué préalablement. Par là même, la création artistique et littéraire ne semble pas pouvoir se réduire à une simple technique (que pourtant elle suppose), ni même à une simple habileté. Mais tout dépend de la qualité de l’œuvre et du public visé, car il y a des productions aux besoins identifiés à l’avance par des éditeurs et par les écrivains eux-mêmes, à travers des « commandes », par exemple.
29 Dans la Critique de la faculté de juger (1790), Kant écrivait que « le génie est le talent de donner des règles à l’art ». Par conséquent, l’écriture serait un savoir en acte, phénomène que nous comprenons en écho avec la formule de J. Bellemin-Noël :
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La parole nous informe, l’écrit nous forme. Et nous déforme nécessairement, puisque ce qui a été écrit nous vient d’ailleurs, loin ou près de l’absence. (2002 : 3)
31 L’écrivain doit aller au-delà de ces savoirs et faire preuve d’imagination, d’originalité dans son œuvre qui doit être unique et non standardisée. C’est pourquoi l’écrit dans l’œuvre acculture ; il est un espace de mutation, un espace d’évolution, une inspiration soufflée vers l’extérieur, un investissement à l’intérieur de son créateur qui relève de l’éclatement des limites entre l’inconscient et le conscient.
L’art dirigé de l’intérieur
32 La création ne peut devenir intelligible qu’à travers la dynamique de l’intériorité et de ses problèmes centraux. On passe donc de la production interrogée à la personne interrogée, d’une poussée inconsciente au conscient, de l’invention à la création. Est-ce incompatible avec une démarche littéraire ? Doit-on vraiment chercher nos réponses au sein des pratiques singulières d’écriture ? Le texte serait-il la simple traduction d’un état de l’ordre du transfert ? L’écrivain a-t-il le pouvoir de transformer ce processus en rupture d’une aire à une autre ?
33 Les travaux de L.S. Vygotski[6][6] « [. . . ] l’art est déterminé et conditionné de...
suite développent une approche intéressante pour les médiations de ce genre, partant du postulat que l’homme a besoin d’intermédiaire pour se développer. Il prend appui sur le développement de l’enfant, rappelant qu’il devient soi en devenant d’abord autre que soi. En intériorisant le dehors, l’enfant se plie au-dehors et se déplie au-dedans.
34 Comme le mentionne tout autant J. Beguery, apprendre à écouter la différence ramène à une perception créative de soi.
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Revenir à soi en effet par le biais de l’autre par l’épreuve de l’étranger est peut-être ce qui permettra d’entendre une langue étrangère au sein de sa propre langue, d’avoir ainsi quelque chance de renouveler celle-ci. (2002 : 217).
36 Pour le philosophe et historien de l’art, G. Didi-Huberman (1990), le processus de création, c’est le chaos devenu chair qui demande (dit-il), de « harceler la paroi », de l’ébranler, d’y trouver la faille imaginaire. Éclat de la matière qui pour Freud se fera en termes de processus de remplacement car, pour le fondateur de la psychanalyse, l’activité créatrice est comparable à une névrose et peut s’analyser de la même manière. Suivre les formes de refoulement personnel de l’individu, c’est reconnaitre que chaque groupe familial possède son fond d’histoire affective, son vocabulaire propre, ses valeurs, ses tabous, un calendrier et des rites. Sachant que, toujours selon Freud, le système inconscient parle, pense, agit, jouit et se réjouit avant et indépendamment de la conscience, il serait bien utopique de décréter que la création doit utiliser uniquement les éléments les plus conscients, les plus logiques. Cependant, pour le néophyte, les dynamiques du monde intérieur sont difficilement contrôlables, à moins de réaliser un travail de mémoire autour de la trace ; exercice qui relève de l’idée qu’il y a bien une répétition dans l’œuvre, qu’elle soit artistique ou associée à l’œuvre de la vie.
37 L’« après-coup »[7][7] « Après-coup » : temporalité fondamentale...
suite (une notion utilisée par Freud) se situe dans le symbole. Toutefois cette représentation ne vaut pas exactement comme symptôme, elle dit seulement quelque chose sur son créateur qui, en la créant, tend à retrouver ses schèmes intérieurs, ses objets, son sujet. Nous pourrions dire que la création a une histoire de pré-création, voire de procréation ultérieure. Précisons que l’idée de symbole est dialectique et que, dans la création, il est un fait non pas instrumental, mais central, plus ou moins visible en fonction des genres (poétiques...).
38 La notion d’inconscient soutient subséquemment l’idée d’ensemble que notre vie spirituelle ne se réduit pas à la frange logique déterminée par les cadres sociologiques. Il paraitrait tout autant excessif de croire que l’écrivain serait engendré par ses contemporains que de croire que les différents aspects du refoulement personnel n’ont aucun impact sur la création. Belle image que celle de la « mécanologie » dont parle le philosophe G. Simondon où l’outil devient un intermédiaire entre le corps et les choses sur lesquelles il agit, faisant à la fois l’art de l’altérité et l’économie du don (M. Mauss).
Conclusion
39 L’écriture va faire circuler un mythe à la fois collectif et individuel. Elle sera marquée d’une présence et d’une absence qui accompagnera le lecteur tout au long de sa découverte. Cette dimension ne peut pas être effacée bien qu’elle soit source d’anxiété pour certains, face aux pertes occasionnées. D’autres souffriront d’une crainte de l’inutilité de l’écrit, avec le devoir de mémoire en arrière-plan.
40 L’art de la fiction ne peut pas s’en tenir à l’expérience de cette simple affectivité. Dès lors, parler d’invention littéraire revient à cesser de se référer systématiquement à la réalité extérieure au profit d’une réalité complètement nouvelle. À la question : « Est-ce qu’il est possible d’apprendre à écrire ? », nous n’avons pas de réponse préétablie, le sujet apprend en tout cas à écouter une œuvre, à entrer en réécriture, à accueillir des idées, à encourager une création, à tenter de l’aider à sa libération, à jouer avec les émotions, à créer du lien, de manière à interroger des valeurs à transmettre, une orientation, mais aussi à exprimer quelque chose, à trouver ses propres déclencheurs. La créativité est une aptitude qui se travaille et qui croise la sérendipité, les différents outils, la dynamique émotionnelle et cognitive. Ni l’écrivain ni son œuvre ne résolvent les conflits intrapsychiques, mais le créateur sait – ou doit savoir – les mettre en scène dans une trame narrative.
41 Le psychanalyste est lecteur de l’écrivain, il apprend beaucoup de son œuvre, ce qui d’ailleurs fonctionne dans les deux sens et en général, l’un comme l’autre se défendent bien d’appliquer leurs théories / images à la chair de leur (s) production (s). Il y a donc une historicité du faire artistique. Une temporalité du faire en quelques jours ou plusieurs années, entre « action en cours » et « en cours de vie ». Une technique du faire par le corps et les objets dont la socialisation est au cœur du processus de création.
Bibliographie
Références bibliographiques
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[1] [http://www.univ-tlse2.fr /accueil-utm /formation /offre-de-formation /master-metiers-de-l-ecriture-177769.kjsp].[2] Site Web de J. Biguenet : [http://www.biguenet.com /summer-workshop-in-paris].[4] [www2.univ-paris8.fr/litteraturefrancaise/images/siteMasterCréation3.pdf].[5] Dont le titre, The Program Era : Postwar Fiction and the Rise of Creative Writing, pourrait se traduire par L’ère du programme : Fiction d’après-guerre et la montée de la création littéraire.[6] « [...] l’art est déterminé et conditionné de la manière la plus immédiate par le psychisme de l’homme social. » (2005 : 28).[7] « Après-coup » : temporalité fondamentale du traumatisme psychique qui s’effectue en deux temps, le second venant donner sens et force à un évènement survenu auparavant sans provoquer d’effet psychique notable (Bourdin, dir., 2000 : 262).PLAN DE L'ARTICLE
- Du modèle anglosaxon au modèle français
- Entre répétition du processus de création littéraire et révélation artistique
- Les techniques de la pensée du néo-écrivain
- L’écrivain-artiste
- L’art dirigé de l’intérieur
- Conclusion
- la pignole (http://www.cnrtl.fr/definition/pignole … ) modifie-elle le cerf/veau de Dadabe? pas sur du touthttp://abonnes.lemonde.fr/culture/article/2013/10/10/matthieu-ricard-la-meditation-modifie-certaines-zones-du-cerveau_3493620_3246.htmlMatthieu Ricard vit dans l'Himalaya depuis plus de quarante ans, au monastère Shechen, au Népal. Après avoir soutenu une thèse en génétique cellulaire à l'Institut Pasteur, sous la direction de François Jacob, il rejoint tout d'abord Darjeeling, en Inde, pour étudier auprès de Kangyur Rinpoche (1898-1975), grand maître du bouddhisme tibétain. Proche depuis 1989 du dalaï-lama, dont il est l'interprète français, il participe aux recherches de l'institut Mind & Life, organisation placée sous l'égide de ce chef spirituel et favorisant les échanges entre la science et le bouddhisme. A la veille du premier symposium européen de l'organisation, du 10 au 13 octobre, à Berlin, il en défend la thématique : la nécessité pour l'individu de se transformer par l'altruisme afin de transformer la société.
Votre "Plaidoyer pour l'altruisme. La force de la bienveillance" sort en librairie. Cette question est au coeur des recherches de l'institut Mind & Life, pourquoi ?
Le défi principal du monde moderne est de réconcilier trois échelles de temps : le court terme de l'économie, le moyen terme de la qualité de vie et le long terme de l'environnement. La considération d'autrui est le seul concept qui permette de relier de façon cohérente ces trois échelles de temps. Le problème de l'environnement, en particulier, est typiquement une question d'altruisme et d'égoïsme. Selon le rapport Stern [du nom de l'économiste Nicholas Stern, qui a publié en octobre 2006 une étude qui fit date sur l'économie du changement climatique], réparer les dégâts environnementaux coûtera vingt fois plus cher aux générations futures que d'intervenir maintenant. Au rythme actuel, 30 % de toutes les espèces auront disparu d'ici à 2050. A l'âge industriel, l'impact de l'espèce humaine sur la planète est immense. L'altruisme prend une importance nouvelle : ce n'est pas un luxe, un noble idéal, mais une nécessité.
En quoi le bouddhisme peut-il être utile pour faire évoluer l'individu et la société dans cette direction ?
Le bouddhisme est une science de l'esprit qui apprend à se défaire des tendances habituelles forgées par des modes de pensée répétitifs. Il apprend à gérer les états mentaux, pensée après pensée, émotion après émotion, par la pratique de la méditation, l'entraînement de l'esprit.
La méditation, c'est-à-dire ?
Il faut démystifier le mot "méditer". Il se dit bhavana en sanscrit, ce qui signifie "cultiver", et gom en tibétain, soit "se familiariser avec". Méditer est un entraînement de l'esprit pour se familiariser avec une faculté. Imaginons que vous n'êtes qu'amour pour un enfant : cet état d'amour altruiste, qui emplit votre paysage mental, devient une méditation quand, au lieu de durer une ou deux minutes, vous le cultivez pendant une trentaine de minutes, durant lesquelles vous le nourrissez, le maintenez et le ravivez s'il s'amenuise.
Qu'apportent à cette pratique les données de la science ? Comment le dalaï-lama a-t-il été amené à s'y intéresser ?
Le dalaï-lama a toujours eu une immense curiosité pour l'approche scientifique. En 1987, Francisco Varela, un neurobiologiste d'origine chilienne qui a travaillé à Harvard puis en France, à la Salpêtrière, a décidé de créer, avec l'homme d'affaires américain Adam Engle, une structure qui organiserait des rencontres entre le dalaï-lama et de grands chercheurs. Petit à petit, il est ainsi apparu que la pratique de la méditation avait partie liée avec la science.
Les recherches des neuroscientifiques montrent que l'attention, l'équilibre émotionnel, la bienveillance, la compassion et d'autres qualités peuvent être engendrés et cultivés par la méditation et qu'elles ont un impact mesurable. Notamment grâce à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui permet de localiser les aires cérébrales activées. Dans le cadre de ces recherches, le méditant expérimenté - qui totalise de 10 000 à 60 000 heures de méditation - n'est pas seulement un cobaye : c'est un véritable collaborateur. Son rôle est essentiel pour établir le protocole de recherche, et sa faculté d'engendrer des états mentaux clairs et durables, capacité acquise par la méditation, permet d'obtenir des résultats fiables.
Vous-même avez passé des centaines d'heures dans les tunnels des machines IRM, en méditation. Dans quel but ?
En 2007, je me trouvais dans le laboratoire de Tania Singer, spécialiste mondiale de l'empathie. Tania me demanda d'engendrer un puissant sentiment d'empathie en imaginant des personnes affectées par de grandes souffrances. Je venais de voir un documentaire sur un orphelinat roumain. Ainsi, sous IRM, pendant une heure, en alternance avec de courtes périodes neutres, je me représentais, le plus intensément possible, ces souffrances sans nom. Entrer en résonance avec cette douleur devint rapidement intolérable. L'empathie dissociée de l'amour et de la compassion m'avait mené au burn-out. Lorsque j'ai fait basculer l'orientation de ma méditation vers l'amour et la compassion, mon paysage mental s'est transformé du tout au tout. J'ai ressenti un profond courage lié à un amour sans limites envers ces enfants. L'amour altruiste crée en nous un espace positif qui sert d'antidote à la détresse empathique.
Tania Singer et ses collègues ont maintenant entrepris une étude qui vise à entraîner pendant une année 200 volontaires novices à l'empathie et la compassion, puis à les comparer à 200 autres qui auront suivi un entraînement sans lien avec l'altruisme.
La méditation modifierait-elle la structure et l'activité fonctionnelle du cerveau ?
Chaque type de méditation entraîne des changements tant fonctionnels que structurels. Pour localiser des aires précises sous IRM, le méditant alterne les périodes de méditation et les périodes neutres : 60 secondes de méditation, 45 secondes de repos, pendant plus d'une heure. Chez les sujets qui méditent sur l'amour altruiste et la compassion, Richard Davidson, de l'université de Madison, et Antoine Lutz, aujourd'hui chercheur au CERN à Lyon, ont constaté une hausse remarquable de la synchronisation des oscillations des ondes cérébrales dans les fréquences dites gamma, associées à la connectivité entre différentes aires du cerveau.
Donc, la méditation sur l'amour altruiste a une signature spécifique ?
Oui, à raison de vingt minutes de méditation par jour sur la compassion, pendant huit semaines, certaines zones du cerveau commencent à changer. Dans le cas de la méditation sur la bienveillance, par exemple, l'amygdale, aire liée à l'agressivité et à la peur, diminue en densité. Les zones reliées à l'empathie, comme l'insula, sont activées et augmentent structurellement, avec davantage de connexions neuronales. Or, la neuroplasticité du cerveau reste active jusqu'à la mort.
L'entraînement de l'esprit est-il la solution miracle ?
Miracle, non, mais utile, certainement. En 2012, il y a eu près de 500 publications scientifiques sur les effets cliniques de la réduction du stress par la "pleine conscience". Un état mental acquis par la méditation sur la "présence ouverte", qui consiste à laisser son esprit reposer dans un état vaste et alerte à la fois, libre des enchaînements de pensée : l'esprit n'est concentré sur aucun objet particulier, mais reste parfaitement présent. De même, il a été montré que les thérapies cognitives fondées sur la pleine conscience réduisent de près de 30 % à 40 % les risques de rechute à la suite de deux ou trois dépressions graves.
Vous liez la transformation individuelle à celle de la société ?
L'antidote au narcissisme individualiste, au "moi moi moi" du matin au soir, passe par la considération d'autrui, la bienveillance et l'attention à l'autre. Comme le disait Martin Luther King, "nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots". Il faut oser l'altruisme, oser dire qu'on peut le cultiver, oser enseigner l'apprentissage coopératif dans l'éducation. Oser dire qu'il peut y avoir une économie altruiste, et que la question de l'environnement se ramène à une question d'altruisme.
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Florence Evin
Journaliste au Monde Suivre Aller sur la page de ce journaliste
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Florence Evin
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