Comment Lou Reed a inspiré la "révolution de velours"
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Par Martin Plichta (Prague, correspondant)
"De toutes les disparitions de stars de la musique
internationale, celle de Lou Reed est probablement la plus douloureuse
pour les Tchèques." La réaction du critique pragois de rock Jiri
Cerny, qui fit connaître aux Tchèques la musique du fondateur du Velvet
Underground dans les années 1960, n'est pas seulement celle d'un fan
attristé mais aussi celle d'un témoin de la relation particulière
qu'entretenaient ses compatriotes avec Lou Reed.Si sa musique a influencé nombre de groupes à travers le monde, elle a eu "un impact exceptionnel en Tchécoslovaquie, des années 1960 jusqu'en 1989 en particulier, se souvient le dissident Petr Placak. Dès mon plus jeune âge, cette musique offrait une expérience de liberté dans la Tchécoslovaquie communiste où tout était contrôlé et encadré." Il fut, entre 1982 et 1986, clarinettiste dans Plastic People of the Universe, le groupe phare de la scène indépendante tchèque.
Les Plastic People, qui ont chanté Lou Reed à leurs débuts en 1968, ont été au cœur du processus qui conduisit, en 1989, à la "révolution de velours" et à la naissance d'une amitié entre le rockeur américain et le dissident devenu président Vaclav Havel, qui avait acheté le premier album du Velvet en 1968 lors d'un voyage à New York. Certains sont même allés jusqu'à évoquer un lien – imaginaire – entre cette amitié et le qualificatif de "velours" (velvet en anglais) accolé à la révolution.
C'est en réaction à l'interdiction et l'incarcération des musiciens du groupe que le dramaturge Havel lança la Charte 77, fer de lance de la dissidence anticommuniste. Grand amateur de rock, il détenait l'une des plus grandes discothèques de cette musique "antisocialiste" dans le pays.
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"UNE PART D'IDÉALISME"Après la chute du régime communiste, Lou Reed vint à Prague réaliser un entretien avec Vaclav Havel pour le magazine américain Rolling Stone. Cette visite impressionna tellement les deux hommes que Lou Reed en oublia d'allumer son dictaphone et dû refaire l'interview. Lors de son premier voyage présidentiel aux Etats-Unis, en février 1990, Havel demanda à la Maison Blanche d'inviter Lou Reed et John Cale pour jouer pendant le dîner. Le rockeur, lui, n'omettait jamais Prague dans ses tournées et vint jouer en 2009 pour les 20 ans de la fin du communisme.
"Même si les textes de Lou Reed n'étaient pas explicitement politiques, ils s'attaquaient à l'ordre et au conservatisme. Cela avait un potentiel anti-régime fort, analyse M. Placak. Ils contenaient une part d'idéalisme, ils croyaient en quelque chose de mieux et dans la liberté. Cela va nous manquer."
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