mercredi 21 mai 2014

James S. Ravalison La culture d’orge de brasserie en contre-saison (Région Amoron’i Mania, Hautes Terres Centrales de Madagascar)

La culture d’orge de brasserie en contre-saison (Région Amoron’i Mania, Hautes Terres Centrales de Madagascar)

parJames S. Ravalison
Maître de Conférences, Département de Géographie, Université d’Antananarivo, B.P 907 101 Antananarivo, Madagascar ; mél : jravalison@yahoo.fr
 http://com.revues.org/6819  

Résumé 

Les conditions topographiques, pédologiques et surtout pluviométriques sont très favorables à la culture de l’orge de brasserie dans les alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra. La culture est pratiquée pendant la période de contre-saison de mai à septembre sur des parcelles ayant porté du riz en saison des pluies. C’est une période de faibles précipitations, c’est-à-dire 257 mm de pluies recueillies soit 18 % du total annuel. Le cycle végétatif de l’orge exige 500 mm de précipitations. Aussi, pour combler le besoin en eau de l’orge, on pratique l’irrigation, grâce à la présence d’infrastructures hydrauliques locales héritées des projets rizicoles ODR1 et ODR2. L’orge est une culture génératrice de revenus pour les paysans grâce à l’appui technique et aux achats de la société privée Malto. Actuellement, la production nationale d’orge de brasserie ne couvre qu’un tiers de la demande de cette société ; cette culture peut encore s’étendre.



La culture d’orge de brasserie en contre-saison (Région Amoron’i Mania, Hautes Terres Centrales de Madagascar)

James S. Ravalison
Maître de Conférences, Département de Géographie, Université d’Antananarivo, B.P 907 101 Antananarivo, Madagascar ; mél : jravalison@yahoo.fr

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À partir de 1997, les Hautes Terres centrales de Madagascar et plus particulièrement la région d’Amoron’i Mania, dans le pays Betsileo nord, ont adopté l’orge comme culture de contre-saison. D’une part, il s’agit d’une nouvelle pratique agricole très rémunératrice avec adéquation de l’offre et de la demande en tenant compte des potentialités naturelles de la région. D’autre part, la vulgarisation de la culture, l’encadrement technique des paysans et l’achat de la production sont assurés par la Société privée Malto. L’orge de brasserie est une plante des régions tempérées mais les conditions naturelles locales ont permis aux paysans de pratiquer cette culture dans une zone typiquement tropicale d’altitude avec deux saisons bien distinctes : une saison pluvieuse et chaude de novembre à avril et une saison sèche et fraîche de mai à octobre. Une culture pratiquée pendant la période sèche et fraîche est qualifiée de contre-saison : c’est justement le cas de l’orge de brasserie. La plupart des cultures saisonnières, à commencer par le riz, sont cultivées en saison de pluies. Deux autres cultures sont aussi pratiquées en saison sèche : celles du blé et de la pomme de terre.
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Dans notre zone d’étude, les conditions climatiques et plus particulièrement pluviométriques ne sont pas perçues comme une contrainte agricole, même si la quantité de pluie recueillie n’arrive pas à satisfaire les besoins de l’orge. D’une part, les paysans sont fortement motivés par les valeurs marchandes de la production et sont prêts à affronter toutes les difficultés qui se présentent, d’autre part, l’encadrement technique offert par la Société privée Malto constitue une assurance pendant la période culturale.
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Si la fluctuation des données pluviométriques reste le principal problème, les solutions adoptées pour y remédier sont l’irrigation et le drainage. La culture de l’orge de brasserie est une occasion d’améliorer le niveau de vie pour les paysans dans notre zone d’étude où les conditions écologiques sont très favorables.
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L’adoption de cette innovation va marquer le cadre économique des échanges. En outre, la présence de la route nationale (RN) 7 facilite l’évacuation de tous les produits agricoles destinés au marché : la zone d’étude commence à figurer dans un contexte d’économie de marché.

Caractéristiques de la zone d’étude

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Les bassins d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra, situés dans le pays Betsileo nord (fig. 1), possèdent des conditions écologiques très favorables à l’agriculture.
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L’alvéole d’Ambohimanjaka se trouve à 40 km au sud de la ville d’Antsirabe, à 20°13’ Sud et 47°5’ Est, et a une superficie de 350 ha. Celui d’Ilaka centre se trouve à 50 km au sud d’Antsirabe, à 20°18’ Sud et 47°8’ Est (superficie : 400 ha). L’alvéole d’Ambositra se trouve à 90 km au sud d’Antsirabe, à 20°32’ Sud et 47°22’ Est (superficie : 700 ha).
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Le champ d’activité de la société privée Malto s’étend à travers l’ensemble du pays Betsileo nord (fig. 2), mais nous avons choisi les trois alvéoles car ils sont desservis par la RN 7. Celle-ci facilite l’écoulement de la production, ce qui favorise la motivation des paysans à pratiquer la culture de l’orge.
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À eux seuls, ces trois alvéoles fournissent environ la moitié de la production d’orge de brasserie du pays Betsileo nord, même si les surfaces de cette culture restent encore peu importantes, de l’ordre de 5 % des terres cultivables, soit environ 10 % pour les deux premiers et 1 à 2 % pour le troisième. Le reste de la production régionale provient de parcelles dispersées, sur des terroirs de bas-fonds du pays Betsileo nord.
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Les trois bassins ont des conditions pédologiques bien adaptées à la culture de l’orge à savoir des sols profonds à structure grumeleuse perméable et fraîche, des sols riches en limons et en matière minérale, une zone inondable constituée par des sols argilo-limoneux et un glacis de raccordement avec les versants périphériques constitués de sols riches en limons et sable, bien adaptés à la culture de l’orge.
Figure 1 – Localisation des alvéoles dans le pays Betsileo nord
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Enfin, ces trois alvéoles sont fortement drainés par des cours d’eau, permettant de mettre en place des réseaux d’irrigation pour pallier les déficits pluviométriques en contre-saison : la rivière Manandona arrose Ambohimanjaka, celles de Saharevo et Ampampana alimentent Ilaka centre et celle d’Isaha irrigue l’alvéole d’Ambositra.

Méthode et démarche

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L’indice agro-climatique de l’ETP (Évapo-Transpiration Potentielle), calculé au moyen de la formule de Penman constitue la meilleure méthode pour étudier les échanges énergétiques entre un couvert végétal et l’atmosphère. Mais la validité de l’ETP climatique doit tenir compte d’un laps de temps très long et d’une étude comparative entre plusieurs stations d’observation. De ce fait, plusieurs problèmes sont à signaler :
  • notre zone d’étude ne dispose pas de stations synoptiques météorologiques d’observation. Les stations d’Ilaka centre et d’Ambositra ne relèvent que les données pluviométriques. Elles ne disposent pas d’appareil adéquat pour mesurer les différents éléments intervenant dans le calcul de l’ETP Penman comme la durée d’insolation, la vitesse du vent et la tension de la vapeur d’eau. Par conséquent, nous sommes obligés d’utiliser tout simplement les données pluviométriques correspondantes à la période végétative de l’orge ;
  • étant donné que la culture de l’orge a été introduite dans la zone d’étude très récemment, vers la fin des années 1980, la première véritable production a eu lieu en 1997. Par conséquent, seules les données pluviométriques de 1997 à 2004 seront utilisées. La méthode est fondée sur un raisonnement physique simple en confrontant des valeurs brutes de précipitations et des valeurs de rendement de l’orge. Cette période concerne donc la période sèche et fraîche de mai à octobre ;
  • la période sèche et fraîche de mai à octobre n’est pas totalement dépourvue d’humidité. C’est pourquoi, pour avoir un ordre de grandeur dans la répartition des pluies, nous utilisons le CPM (Coefficient Pluviométrique Mensuel) de Ravet et Péguy (1958) :
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Un coefficient mensuel égal à 1 signifie que la pluie pendant le mois considéré est égale à celle correspondant à une répartition uniforme de la pluviosité annuelle ; un coefficient mensuel égal à 2 signifie que la pluie pendant le mois considéré est le double de celle correspondant à une répartition uniforme de la pluie annuelle

Des alvéoles couloir et cuvette dans le bassin-versant de la Mania

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Les trois alvéoles font partie du bassin-versant de la Mania. Cette rivière prend sa source à la limite de la forêt humide du versant oriental de Madagascar, traverse les Hautes Terres centrales pour rejoindre le fleuve Tsiribihina du versant occidental. L’ensemble du bassin-versant occupe une superficie de 7 000 km2, est marqué par le caractère très disséqué des reliefs avec plusieurs unités topographiques très complexes et variées où se succèdent montagnes, plateaux, collines, vallées, et alvéoles (fig. 2). Les trois alvéoles sont localisés au niveau de l’axe central des Hautes Terres Centrales, dans un couloir dépressionnaire et alignés selon une orientation nord-nord-ouest/sud-sud-est : du nord au sud se trouvent successivement, et sur 50 km, l’alvéole d’Ambohimanjaka, l’alvéole d’Ilaka centre, tous deux situés au pied de l’escarpement de faille Manandona, et enfin l’alvéole d’Ambositra.
Figure 2 – Les principales unités topographiques du pays Betsileo nord
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Deux domaines climatiques font l’originalité de Madagascar. D’une part, le domaine soumis au vent de l’alizé (versant oriental) où il pleut pendant toute l’année, et d’autre part, le domaine sous-le-vent (les Hautes Terres Centrales, le versant occidental et le sud) présentant deux saisons bien distinctes (saison pluvieuse et saison sèche). Ainsi, selon les valeurs de CPM de Ravet et de Péguy (1958) notre zone d’étude avec la station pluviométrique d’Ambositra présente deux saisons bien distinctes :
  • une saison pluvieuse de novembre à mars dont les CPM sont supérieurs à 1 ;
  • une saison sèche d’avril à octobre dont les CPM sont inférieurs à 1.
Tableau 1 - Pluies et CPM entre 1997 et 2004, station d’Ambositra
(Source : Service Météorologie Antananarivo)
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Pendant la saison pluvieuse de novembre à mars la station enregistre 1 038 mm de pluies soit 81 % du total annuel, contre 275 mm soit 18 % du total annuel pour la saison sèche d’avril à octobre.
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Qu’en est-il des mécanismes pluviogènes ?
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Plusieurs facteurs interviennent pour que la pluie se déclenche : l’humidité de la masse d’air et l’instabilité de l’air. Pendant la saison pluvieuse de novembre à mars, plusieurs mécanismes interviennent pour apporter des précipitations :
  • l’anticyclone de l’océan Indien qui se trouve au Sud-Est de Madagascar pendant toute l’année apporte l’alizé chargé d’humidité et le moindre contact avec le relief crée une ascendance forcée responsable des pluies orographiques ;
  • une autre masse d’air venue du Nord-Ouest de Madagascar véhicule la mousson, un vent très humide : quand le mécanisme d’ascendance provoqué par le relief est amorcé, elle donne de fortes précipitations ;
  • le contact de la mousson avec l’alizé crée un mouvement convectif responsable de pluies très persistantes ;
  • le réchauffement de la terre, surtout pendant l’après-midi, crée une convection par l’ascendance thermique de l’air qui, par la suite, est responsable des fortes précipitations de fin d’après-midi ;
  • enfin, les perturbations cycloniques sont aussi la cause de fortes précipitations. La plupart des cyclones tropicaux qui touchent Madagascar viennent de l’Océan Indien et une fois dans la région ils sont affaiblis par le relief du versant oriental de Madagascar. Cependant ils apportent des fortes précipitations, au moins 10 % des précipitations recueillies pendant la saison pluvieuse.
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Pendant la saison sèche d’avril à octobre, tous les mécanismes pluviogènes cités précédemment sont absents. Les quelques pluies enregistrées proviennent du débordement de la couche d’air humide de la côte orientale sur les Hautes Terres Centrales dû à la présence en permanence de l’Anticyclone de l’océan Indien dans le Sud-Est de Madagascar. Les alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre sont abrités par l’escarpement de la Manandona, dont la dénivellation est supérieure à 300 m. Le sommet de l’escarpement avec le plateau de Soanindrariny à 1 900 m d’altitude constitue un écran au flux de l’alizé d’Est et provoque des effets de foëhn locaux qui affaiblissent la quantité des précipitations recueillies. L’alvéole d’Ambositra par contre est protégé par le plateau d’Imady. Ce dernier se trouve à 1 420 m d’altitude et provoque aussi des effets de foëhn locaux responsables de la faible quantité de pluies recueillies.
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En somme, l’ascendance de l’air une fois déclenchée, quelle que soit son origine (orographique, dynamique, cinématique ou thermique) constitue la principale cause des précipitations.

Une orge à cycle végétatif relativement court

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L’orge de brasserie appartient à la famille des Triticales ; sa durée de cycle végétatif varie de 120 à 170 jours. Plusieurs phases marquent son cycle végétatif : la levée de tallage, la montaison, la floraison et la maturation des grains.
  • La levée de tallage dure entre 3 à 5 semaines au cours desquelles le jeune plant acquiert 5 à 6 racines et quelques feuilles. La température favorable pour cette phase s’étale entre 5 °C et 38 °C.
  • La montaison s’étend sur 5 semaines et est marquée par l’apparition de la dernière feuille et le renflement de la tige. La température optimum doit être supérieure à 6 °C et inférieure à 38 °C.
  • La floraison a lieu quand le grain de pollen et l’ovule apparaissent et sont prêts pour la fécondation. La fin de cette phase est caractérisée par l’écartement des glumelles et la sortie des anthères. Il faut environ 16 °C pour que le processus de floraison soit effectif.
  • La maturation est marquée par le grossissement de chaque fleur et au bout de 3 à 4 semaines, le grain a acquis sa forme et sa taille définitives. La maturation se manifeste par l’inclinaison des épis sous le poids de la graine. Le plant requiert une température moyenne de 20 °C pour la maturation.
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Les besoins en eau de l’orge sont de 500 mm pendant le cycle végétatif. L’eau est indispensable à l’orge aux stades de sa germination et de sa levée de tallage. Pendant les phases de floraison et de maturation, la demande en eau devient de moins en moins importante et l’orge est peu sensible au déficit d’humidité.
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Les variétés cultivées dans notre zone d’étude sont issues de la recherche faite par la société Malto elle-même. Il s’agit des variétés 469, BK, et 831, qui sont très résistantes aux conditions écologiques des Hautes Terres centrales de Madagascar.

Une contre-saison adaptée à la culture de l’orge de brasserie

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Ici la véritable contre-saison commence à partir du mois de mai, pour prendre fin au mois d’octobre. Cette période correspond effectivement au cycle végétatif de l’orge.
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Pendant cette période, la zone d’étude recueille 275 mm de pluie soit 18 % du total annuel (tabl. 1) la répartition des quantités d’eau recueillies est plus ou moins équilibrée. En fait, la quantité pluviométrique recueillie est de 275 mm, alors que le besoin au cours du cycle végétatif est de 500 mm, ce qui traduit un manque de 225 mm d’eau en moyenne. Pour pallier cette insuffisance, les paysans ont recours à l’irrigation, les trois alvéoles étant drainés par des cours d’eau, permettant de construire des infrastructures et des réseaux d’irrigation.
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Étant donné que la riziculture est la principale activité dans les trois alvéoles pendant la saison des pluies, les cultivateurs d’orge ont pu bénéficier de la mise en place des infrastructures hydrauliques depuis l’Indépendance du pays (1960) jusqu’à nos jours. Le volet projet hydro-rizicole a pris une place fondamentale dans le cadre de l’ODR1 (Opération de Développement Rizicole : 1983-1989) et l’ODR2 (1990-1996) pour soutenir la riziculture. À partir de 2000, la gestion et l’entretien des canaux d’irrigation ont été confiés aux paysans. Ces derniers sont encouragés à former des associations ou groupements qui assurent effectivement la gestion des réseaux d’irrigation (AUE : Association des Usagers de l’Eau). Et bien entendu, les cultures de contre-saison ont pu bénéficier de la présence de ces infrastructures. Pour que la culture de l’orge de brasserie soit très productive, la société Malto assure aussi l’approvisionnement en semence et en intrants (engrais, insecticides, etc.) auprès des paysans. Par exemple, la norme préconisée par la société Malto est de 350 kg de NPK/ha et 100 kg de Dolomie/ha pour une semence de 150 kg/ha.
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Le prix de ces produits est fixé au début de chaque campagne, et le paiement est fait au moment de la livraison de la récolte à la société Malto.
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La culture de contre-saison de l’orge apporte une certaine fertilisation du sol et la culture du riz va profiter de cet engraissement. Il en résulte que le rendement moyen rizicole est de 4 t/ha (Rakotoarivony, 2004). La double culture annuelle de l’orge et du riz est bien maîtrisée par les paysans. Après la culture de contre-saison le champ est travaillé afin de ne pas y trouver des pousses d’orge gênantes pendant la saison rizicole. La culture de l’orge débute au mois de mai par le labour, le semis se fait en juin, les sarclages en août et la récolte en octobre (photo 1).
Photo 1 : Culture d’orge de brasserie à Ilaka centre. Au premier plan culture d’orge, au fond versant périphérique
(Cliché : J. S. Ravalison, 2009)
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L’orge a besoin d’eau au cours des deux premières phases de sa croissance, c’est-à-dire la levée de tallage et la montaison. Pour les deux dernières phases, la floraison et la maturation, les besoins deviennent de moins en moins importants. Par contre la maîtrise et la capitalisation de l’eau nécessitent son utilisation d’une manière rationnelle pour éviter les excédents ou les déficits. Des hydrauliciens (envoyés par la société Malto) rendent régulièrement visite aux paysans pour contrôler et doser la quantité d’eau dont la plante a besoin. Les canaux d’irrigation hérités de l’ODR1 et de l’ODR2 permettent d’assurer les besoins en eau. Ainsi la Société Malto assure l’encadrement technique des paysans.
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La société Malto, sise à Antsirabe, travaille avec la brasserie STAR de cette ville. Elle a été créée par cette dernière en 1981 pour lancer et vulgariser la culture de l’orge de brasserie afin d’en produire du malt. Elle transforme l’orge brute en malt qui servira de matière première à la fabrication de la bière. La société Malto est une société anonyme dont le principal actionnaire est la STAR, en raison d’un apport de 75 % de son capital. La STAR est une société privée fabriquant des boissons et gère, jusqu’à présent, l’unique brasserie de Madagascar. Elle est le débouché final de toute l’orge de brasserie vendue par les agriculteurs. Une autre société s’apprête à ouvrir une deuxième brasserie.
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Qu’en est-il de la production ? La société STAR a besoin en moyenne de 6 308 t de malt par an (2005), or la production nationale est estimée à 2 250 t, ce qui oblige la société à importer 4 058 t. Sur les 2 250 t de production d’orge locale, la société Malto a pu économiser 250 000 Ariary  [1][1]  1 € = 2600 Ariary (2004) ; Ar = Ariary. (96 €) de devises par tonne, soit 1 014 500 000 Ar (390 000 €) par an. Le pays Betsileo nord a fourni 620 t (tabl. 2) ; le reste, 1 630 t, a été produit par la région du Vakinankaratra, située au nord du pays Betsileo nord. Sur les 620 t, au moins 400 t sont produites par les trois alvéoles de notre zone d’étude et le reste est fourni par quelques parcelles éparpillées à travers le pays Betsileo nord.
Tableau 2 - La production d’orge dans le pays Betsileo nord
(Source : Rakotoarivony, 2005)
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Le rendement/ha enregistre une hausse progressive depuis la mise en pratique de cette culture (tabl. 3).
Tableau 3 - Pluies de mai à octobre 1997-2004 et rendement de l’orge à Ilaka centre
(Sources : auteur, service météorologie Antananarivo, société Malto)
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L’approvisionnement en eau de l’orge ayant été maîtrisé, cela explique la hausse progressive du rendement. Les déficits en eau pendant la saison sèche sont comblés par l’irrigation par canaux.
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D’après le tableau 2, on constate une baisse de la superficie cultivée en orge de 1997 à 1998, passée de 62 à 34 ha. Le débit des rivières en saison sèche dépend de l’abondance ou non de la quantité des précipitations tombées durant la saison pluvieuse précédente. La saison pluvieuse 1996-1997 a été déficitaire avec des précipitations de 50 mm de mai à octobre et un faible écoulement des rivières. L’irrigation a été insuffisante d’où le faible rendement avec 2 t/ha. Aussi, découragés par cette situation, les paysans ont diminué la surface cultivée en orge en 1998.
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L’intervention de la société Malto auprès des paysans se fait dans le cadre d’une association ou d’un regroupement de ménages mais non pas à titre individuel. La mise en place d’une telle organisation est obligatoire, pour que la distribution de la semence et des intrants soit confiée à chaque association. Par conséquent, les membres sont solidairement responsables du paiement de ces produits lors de la récolte. Une association est constituée de 5 à 12 ménages. Par exemple à Ambohimanjaka, il y a eu 6 associations, à Ilaka centre 12 et à Ambositra 3, soit approximativement 150 ménages pour les trois alvéoles, avec une taille moyenne de 7 familles chacune (pour les trois alvéoles). La surface moyenne cultivée par ménage peut varier d’une année à une autre, mais en général, elle est de 0,7 ha par ménage (2005).
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La culture de contre-saison de l’orge est très bien adaptée aux conditions climatiques des bassins d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra. Les parcelles des terroirs rizicoles de la zone inondable représentent des champs de culture par excellence de l’orge et occupent presque la moitié de la superficie de ces terroirs à Ilaka centre et à Ambohimanjaka. Par contre à Ambositra, la pratique de la culture de l’orge reste encore à un stade embryonnaire, avec une superficie approximativement inférieure à 5 ha ; l’insuffisance des infrastructures d’irrigation constitue un handicap majeur à cette activité.
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L’orge collectée par la société Malto est traitée dans l’usine de malterie d’Antsirabe. Rappelons que la société Malto fournit la semence et les intrants nécessaires (insecticides, engrais, etc.). Les agents de la société viennent sur place pour acheter la récolte dont le prix unitaire par kilogramme accuse une fluctuation selon la conjoncture : par exemple, 240 Ar/kg en 1997 contre 370 Ar/kg en 2004. La société décide du prix en fonction de la variation du prix d’importation de l’orge de brasserie. À partir de cette situation, on peut avancer qu’il y a une certaine tendance à la hausse du prix de l’orge. Après chaque récolte, les paysans doivent acquitter les montants des fournitures de semence et d’intrants ; la somme restant aux paysans après les remboursements constitue le bénéfice. Ainsi en 2004, sur une superficie de 1 ha, les coûts des semences et des intrants s’élevaient à 1 029 700 Ar (396 €), le prix de vente de l’orge à 1 850 000 Ar (711 €), le bénéfice était donc de 820 300 Ar (315 €).
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La pratique de la culture de l’orge de brasserie est très avantageuse pour les paysans. Le remboursement de toutes les dépenses relatives à l’orge se fait lors de la récolte. La collecte de la production se fait sur place sans qu’il y ait des dépenses de transport. La culture de contre-saison de l’orge de brasserie est aussi très bien adaptée aux conditions écologiques et climatiques des alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre, et d’Ambositra dans la région d’Amoron’i Mania.
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Bien sûr, l’assistance technique de la société Malto et la présence des infrastructures hydrauliques marquent cette activité surtout pour la gestion de l’eau pendant son cycle végétatif. Les contraintes climatiques sont maîtrisées, surtout l’approvisionnement en eau, et il en résulte que le rendement de la récolte a connu une hausse progressive de 1997 jusqu’à nos jours (de 3 t/ha jusqu’à 5 t/ha) même si certaines années accusent des déficits de précipitation. Pour les paysans, la culture de l’orge constitue une activité de contre-saison très rémunératrice et d’appoint permettant de bien préparer la prochaine saison culturale. Mais étant donné le volume du tonnage de la production actuelle, elle reste encore insuffisante pour le besoin de la société Malto même si elle constitue une opportunité pour les paysans d’améliorer leurs revenus. Le support écologique (sol, climat, etc.) étant favorable, une deuxième brasserie vient d’ouvrir ses portes à Madagascar. La marge d’extension est grande car l’orge n’entre pas en concurrence avec la culture du blé ni avec celle de la pomme de terre, cultures bien plus étendues en surface. En fait la culture de l’orge a pris le relais de celle du blé quand celle-ci a connu des difficultés vers la fin des années 1980, avec la fermeture de l’usine de minoterie Kobama d’Antsirabe. Les nombreux casiers rizicoles aux sols appropriés et proches d’un cours d’eau à écoulement pérenne pourraient être utilisés pour la culture d’orge de brasserie. Cependant, un éloignement des routes carrossables serait une forte contrainte car il rendrait difficile l’assistance technique et la commercialisation.
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Une autre plante pourrait être introduite par la société Malto : le houblon, qui entre aussi dans la fabrication de la bière. Elle pourrait être adaptée au milieu, comme elle l’a été sur les plateaux d’Éthiopie, mais elle supposerait un encadrement technique poussé. Cela achèverait l’intégration nationale et géographique de la filière, fortement aidée par les conditions naturelles et techniques.

Bibliographie

  • Petit M., 1999 - Présentation physique de la grande île de Madagascar. Antananarivo : éd FTM, 307 p.
  • Rakotoarivony A., 2005 - Les aspects géographiques des cultures de contre saison de l’orge et du blé dans la Betsileo nord. Antananarivo : Mémoire de maîtrise de Géographie, Université d’Antananarivo, 108 p.
  • Raunet M., 1981 - Potentialités écologiques de Madagascar pour la culture de l’orge de brasserie. Montpellier : IRAT, 66 p.
  • Ravalison J.-S., 2003 - Les alvéoles du bassin supérieur de la Mania : unités morphologiques et cadres de vie sur les Hautes Terres Centrales de Madagascar. Antananarivo : Thèse de doctorat, Université d’Antananarivo, 276 p.

Notes

[1]
1 € = 2600 Ariary (2004) ; Ar = Ariary.

Résumé

Français
Les conditions topographiques, pédologiques et surtout pluviométriques sont très favorables à la culture de l’orge de brasserie dans les alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra. La culture est pratiquée pendant la période de contre-saison de mai à septembre sur des parcelles ayant porté du riz en saison des pluies. C’est une période de faibles précipitations, c’est-à-dire 257 mm de pluies recueillies soit 18 % du total annuel. Le cycle végétatif de l’orge exige 500 mm de précipitations. Aussi, pour combler le besoin en eau de l’orge, on pratique l’irrigation, grâce à la présence d’infrastructures hydrauliques locales héritées des projets rizicoles ODR1 et ODR2. L’orge est une culture génératrice de revenus pour les paysans grâce à l’appui technique et aux achats de la société privée Malto. Actuellement, la production nationale d’orge de brasserie ne couvre qu’un tiers de la demande de cette société ; cette culture peut encore s’étendre.
Mots-clés (fr)
  • culture commerciale
  • irrigation
  • Madagascar
  • région d’Ambositra
  • pays Betsileo nord
  • orge de brasserie
  • culture de contre-saison
  • précipitations
English
Favourable conditions to dry season cultivation of malting barley in Amoron’i Mania Region, Central Highlands of MadagascarThe topographic conditions, the soil properties and especially the weather conditions are appropriate conditions for cultivation of malting barley in the basins of Ambohimanjaka, Ilaka centre and Ambositra. This activity occurs during the dry season from May to September, on fields producing rice during the rainy season. The mean of precipitation during this period is 257 mm, or 18 % of the annual rainfall. The vegetative cycle of the barley requires 500 mm of precipitations. Irrigation brings the needed balance through the minor hydraulic works inherited from ODR1 and ODR2 rice cultivation projects. The production of malting barley generates incomes for the population thanks to the technical assistance and purchases from Malto private brewery society. The present national output of malting barley reaches only one third of the society needs ; the crop may be extended.
Mots-clés (en)
  • Madagascar
  • irrigation
  • Ambositra country
  • Northern Betsileo region
  • malting barley
  • dry season cultivation
  • rainfall
  • commercial crop

Plan de l'article

  1. Caractéristiques de la zone d’étude
  2. Méthode et démarche
  3. Des alvéoles couloir et cuvette dans le bassin-versant de la Mania
  4. Une orge à cycle végétatif relativement court
  5. Une contre-saison adaptée à la culture de l’orge de brasserie

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