lundi 25 novembre 2013

Madagascar : une sortie de crise à tout prix Et si le candidat défait au second tour de la présidentielle refusait d'accepter son sort Hervieux Sébastien Le Monde papier 26 nov.( p. 17 :rubrique décryptage )

26 novembre 2013

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repris dans le chapeau, la mention de notre titre,figurant édition "papier"

  A Antananarivo, lors d'un rassemblement en faveur de Hery Rajaonarimampianina, le 23 octobre.

Analyse

Madagascar : une sortie de crise à tout prix

Et si le candidat défait au second tour de la présidentielle du 20 décembre refusait d'accepter son sort ?
Sébastien Hervieu 
(Johannesburg, correspondance)

Madagascar : une sortie de crise à tout prix

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Assis à son bureau au palais d'Ambohitsorohitra, dos à une fresque murale représentant la capitale, Antananarivo, Andry Rajoelina ne masque plus son impatience. Enfin, le président de Madagascar va pouvoir se jeter dans la bataille. Astreint à un devoir de réserve pendant tout le processus électoral, il a annoncé au Monde, le 8 novembre, qu'il soutient officiellement le candidat Hery Rajaonarimampianina pour le second tour de l'élection présidentielle prévu le 20 décembre, le même jour que les législatives.
Empêché de participer au scrutin par la communauté internationale, M. Rajoelina, celui qui a renversé en mars 2009 le président élu, Marc Ravalomanana, tient à montrer à son visiteur qu'il a gardé la main sur le jeu politique. " Si j'avais choisi un autre candidat, si toute mon équipe ne l'avait pas aidé - au premier tour - , Hery Rajaonarimampianina ne serait pas aujourd'hui qualifié ", glisse-t-il.
Vendredi 22 novembre, la Cour électorale spéciale (CES) a confirmé cette aide officieuse. " Il est parvenu à la Cour des pièces démontrant l'usage de prérogatives de puissance publique et de biens publics à des fins de propagande électorale en faveur du candidat Hery Rajaonarimampianina. " Après avoir pris en compte une sanction — symbolique — d'un retrait de quelques milliers de voix au candidat d'Etat, la CES a validé les résultats définitifs du premier tour qui s'est tenu le 25 octobre.
Hery Rajaonarimampianina (15,85 % des voix) affrontera ainsi le candidat arrivé en tête, Robinson Jean Louis (21,16 %). Un duel par procuration qui opposera les deux protagonistes de la crise politique, puisque Marc Ravalomanana, poussé à l'exil en Afrique du Sud et également empêché de se présenter, a mis tous ses moyens, notamment financiers, pour soutenir la candidature de Robinson Jean Louis.
Au jeu des pronostics, la prudence est de mise. Les tractations pour obtenir le ralliement de la trentaine d'autres candidats sont en cours de part et d'autre, mais le report automatique des voix n'est pas une tradition malgache. M. Rajaonarimampianina devrait bénéficier du soutien d'une partie des candidats réputés proches de l'actuel président. Mais l'ex-ministre des finances ne souhaite pas apparaître uniquement comme le porte-parole du président putschiste, de crainte de subir un vote-sanction après près de cinq ans de crise politique.
De son côté, Robinson Jean Louis axe son discours sur la nécessité d'une réconciliation nationale tout en misant sur la nostalgie des années de stabilité de la présidence Ravalomanana. Il n'oublie jamais de rappeler que, dès son élection, il autorisera le retour au pays de l'ex-chef d'Etat. Exigée par la communauté internationale pour la tenue du scrutin et imposée dans la douleur à cause de la réticence des deux dirigeants malgaches, la règle du " ni ni " (ni Rajoelina ni Ravalomanana) a donc conduit à un demi-échec puisqu'elle n'a pas permis l'émergence d'un candidat d'une troisième voie.
Une dure période de transition
Il a fallu presque cinq années de transition pour aboutir à ce résultat. Une période où la population a durement souffert des sanctions internationales décidées au lendemain du coup d'Etat de M. Rajoelina. La réduction des financements des bailleurs de fonds a fortement contribué à la crise économique. 92 % des Malgaches vivent sous le seuil de pauvreté.
Finançant près de la moitié du coût de l'organisation de l'élection — sur un total de 45 millions d'euros —, la communauté internationale a privilégié une sortie de crise à tout prix pour rétablir l'ordre constitutionnel. Les observateurs étrangers ont délivré un satisfecit après le premier tour de l'élection, mais certains experts estiment que jusqu'à un tiers des Malgaches en âge de voter n'était pas inscrits sur la liste électorale pourtant récemment révisée.
Aucun contrôle sur le financement de la campagne n'a été imposé alors que des sommes considérables ont été dépensées, favorisant ainsi les réseaux déjà en place. " On m'a dit que de l'argent avait été distribué à des électeurs ; acheter des voix, c'est infantiliser la population ", dénonce le premier ministre, Jean Omer Beriziky, qui condamne " les contrats promis par des candidats en échange de financements, ces promesses ligoteront le président qui sera élu ".
Pour Solofo Randrianja, enseignant-chercheur à l'université de Toamasina et auteur de Madagascar, le coup d'Etat de mars 2009 (Karthala), " ces élections ont été organisées à la va-vite dans un contexte qui n'est pas apaisé, tous les ingrédients de la crise sont encore là ". Chez des observateurs, un scénario inquiète. Et si le candidat défait au second tour refusait d'accepter son sort ? Une nouvelle instrumentalisation d'une partie de l'armée, comme lors du coup d'Etat de 2009, est un risque qui ne peut être pour l'instant complètement écarté.
Pour briser le cercle vicieux des crises politiques qui ont rythmé l'histoire récente de la Grande Ile, Madagascar a notamment besoin d'un renforcement de ses institutions démocratiques. Leur faiblesse chronique a contribué à la répétition de prises de pouvoir inconstitutionnelles par des " hommes providentiels " qui, une fois au sommet de l'Etat, privilégient souvent leurs intérêts personnels et ceux de leur entourage au détriment de leur peuple.
hervieu@lemonde.fr

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