29 novembre 2013 |
Enfances sud-africaines
http://abonnes.lemonde.fr/livres/article/2013/11/28/enfances-sud-africaines_3521607_3260.html
envoyée spéciale en Afrique du Sud
Tandis que la " nation arc-en-ciel " est l'invitée du Salon de Montreuil, " Le Monde des livres " s'est rendu au Cap et à Johannesburg, à la rencontre d'une littérature pour les jeunes qui émerge juste du tumulte post-apartheid
Tandis que la " nation arc-en-ciel " est l'invitée du Salon de Montreuil, " Le Monde des livres " s'est rendu au Cap et à Johannesburg, à la rencontre d'une littérature pour les jeunes qui émerge juste du tumulte post-apartheid
Au Cap, quartier de Bo Kaap. FRANCK GUIZIOU/HEMIS.FR Enfant, Niq Mhlongo n'a jamais lu un seul album de Niki Daly, l'un des auteurs les plus célébrés de la littérature jeunesse en Afrique du Sud. Ni feuilleté Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll ; ni même une bande dessinée de Walt Disney. Né en 1973, à Soweto, dans la banlieue de Johannesburg, le petit Niq, à l'instar de ses neuf frères et sœurs, a passé les premières années de sa vie loin de tout livre pour enfants. A l'école primaire, les cours se donnaient " sous un arbre : quand il pleuvait, on n'avait pas classe ", précise-t-il en sirotant le verre de Coca que le serveur du restaurant, un blond baraqué, vient de poser devant lui. Tout bien considéré, Niq Mhlongo, qui fête ses 40 ans cette année, peut s'estimer chanceux. Les jacarandas sont en fleur, son dernier roman, Way Back Home (" Retour ", Kwela éd.), vient de paraître – on le trouve chez Love Books, la librairie indépendante du quartier résidentiel de Melville, dans le centre de Johannesburg : la vie est belle et Niq Mhlongo ne se plaint pas. Sourire aux lèvres, casquette à l'américaine vissée sur le crâne, le romancier de Soweto est l'un des auteurs phares de la " génération kwaito ", celle des artistes noirs issus des townships. Il figure parmi les invités vedettes du Salon du livre et de la presse jeunesse, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), dont l'Afrique du Sud est le pays invité. A bien des égards, le parcours de Niq Mhlongo paraît exceptionnel. Qu'il ait pris goût aux livres, encouragé à l'adolescence par l'un de ses frères et quelques voisins " éduqués ", jusqu'à en devenir écrivain, cela tient du miracle. Aujourd'hui encore, selon l'Unicef, 78 % des écoles publiques sud-africaines ne disposent pas d'une bibliothèque – ni même, pour 27 % d'entre elles, de l'eau courante. Malgré les efforts accomplis en matière de scolarisation, l'accès aux livres demeure difficile pour l'immense majorité des enfants. " Il n'y a pas de culture de la lecture en Afrique du Sud. Rien n'est fait pour la développer ", insiste Niq Mhlongo. Dans After Tears, le seul de ses romans à avoir été traduit en français (Yago, 2010), l'écrivain racontait les mésaventures d'un étudiant retournant dans son township, à la fin des années 1990, après avoir raté ses examens. Niq Mhlongo est lui-même entré à l'université en 1994, année de l'élection à la présidence de Nelson Mandela. Presque vingt ans ont passé depuis la fin du régime d'apartheid, sans que la misère et le chômage aient vraiment reculé. En matière d'écarts de richesse, l'Afrique du Sud dépasse désormais le Brésil. Héritier désabusé de la nation arc-en-ciel, Niq Mhlongo n'a pas écrit de livres pour enfants. Pas plus que l'illustratrice afrikaner Karlien de Villiers, elle aussi présente au Salon de Montreuil. L'invitation qui leur est faite, expliquent les responsables du Salon, sera l'occasion, de " confronter les jeunes et les enfants d'ici " à la façon dont la culture sud-africaine s'exprime " sous des formes aussi diverses que l'illustration, le street art, la bande dessinée, le roman… ". Karlien de Villiers, qui expose régulièrement ses toiles dans les galeries du Cap, a publié Ma mère était une très belle femme (Çà et là, 2008), bande dessinée autobiographique et extraordinairement culottée. Chacun à sa manière, Mhlongo et de Villiers racontent, sans pudeur superflue, ce que l'Afrique du Sud a fait de ses jeunes – Blancs d'un côté, Noirs (ou métis, ou Indiens, etc.) de l'autre. Ils disent ce que fut leur enfance : celle des quadragénaires de l'actuelle classe moyenne urbanisée. Rien d'étonnant, dans ce contexte marqué par la mémoire de l'apartheid et la permanence de la grande pauvreté, au fait que la littérature jeunesse demeure balbutiante. Aucune maison d'édition ne lui est exclusivement consacrée. Les grands groupes, comme NB Publishers (à laquelle les éditions Tafelberg, Human & Rousseau et Kwela sont rattachées), ou les plus petites maisons, comme Jacana, membre de l'Alliance internationale des éditeurs indépendants, ont cependant " leur " département jeunesse – parfois très dynamique. Le marché local n'en continue pas moins de se fournir, pour l'essentiel, à New York et à Londres. Qu'on les achète chez Love Books, la librairie de Johannesburg, ou dans les magasins des grandes chaînes (comme Exclusive Books), " seulement 20 % des livres pour enfants " qu'on trouve en Afrique du Sud sont signés par des auteurs locaux, relève la libraire de Melville, Kate Rogan. Les handicaps sont nombreux, qui ralentissent l'essor de la littérature jeunesse sud-africaine. Le prix des livres, d'abord, demeure prohibitif : " Un livre pour enfants coûte, en moyenne, l'équivalent de 17 dollars américains. Soit le (bon) salaire journalier que je donne à ma femme de ménage ", résume Senne Bontle, une jeune professionnelle de l'édition, active collaboratrice de la plate-forme de littérature pour enfants Puku.co.za (lire l'encadré ci-dessous) et membre du réseau Read Educational Trust. Les livres pour enfants sont, en outre, édités majoritairement en anglais. Ils le sont aussi, pour une part moindre, mais encore importante, en afrikaans. Les versions en zoulou ou en xhosa demeurent marginales. Dans un pays qui compte onze langues nationales, le livre, et en particulier le livre jeunesse, reste un objet de luxe. Parmi les récents " succès " de librairie (soit une vente nationale dépassant les 3 000 exemplaires), The Herd Boy, écrit et illustré par Niki Daly (" Le garçon vacher ", Jacana, 2012), et The Long Way to Freedom, écrit par Chris Van Wyk et illustré par Paddy Bouma (" Le long chemin vers la liberté ", Pan Mac Millan, 2009), arrivent en tête. Normal : les noms de Niki Daly et de Paddy Bouma – artistes chevronnés, nés l'un et l'autre au Cap, à la fin des années 1940 –, comme ceux de Joan Rankin ou de Marjorie van Heerden, tiennent, depuis de longues années, le haut de l'affiche. Tous sont des artistes talentueux et… blancs. Le constat n'est pas reluisant : en dépit de (rares) exceptions, le domaine du livre jeunesse reste fermé aux créateurs noirs. " C'est triste à dire, mais le travail d'auteur-dessinateur de livres illustrés est si peu reconnu et rétribué que la plupart des artistes noirs, capables d'exceller dans ce domaine, ne peuvent pas se permettre d'en faire leur métier ", déplore Paddy Bouma dans un courriel adressé au " Monde des livres ". " Je serais moi-même incapable de citer le nom d'un seul d'entre eux ", souligne l'universitaire franco-ivoirienne Véronique Tadjo. " Le secteur est “tenu” par les Blancs – je regrette d'avoir à m'exprimer ainsi, mais c'est la vérité ", ajoute-t-elle. Romancière, auteure de livres pour enfants, Véronique Tadjo, installée en Afrique du Sud, publie, à l'occasion du Salon de Montreuil, Les enfants qui plantaient des arbres (illustré par Florence Koenig, Oskar). Tout le monde ne partage pas ses certitudes. " Je ne crois pas que ce soit une question de Blancs contre Noirs. Un livre écrit par un auteur xhosa pour des enfants xhosa ne peut pas être simplement traduit en venda pour des enfants venda ", estime, dans un mail qu'il nous a adressé, le talentueux Alex Latimer, l'une des étoiles montantes du livre jeunesse. Les imaginaires et les mots ne sont pas les mêmes, sans doute, d'une communauté à l'autre. Mais, alors, quel récit national inventer, dans lequel " tous les jeunes Sud-Africains " pourrait se retrouver ? Le débat est ouvert. Alex Latimer fait partie des auteurs de la " nouvelle vague " sud-africaine, que Verushka Louw, chargée des rayons jeunesse au Book Lounge, la géniale librairie du Cap, ouverte par Mervyn Sloman, s'attache à promouvoir. Lectrice attentive, parlant avec passion du travail de chacun, Verushka Louw est une analyste optimiste. " Des illustrateurs doués, on en a plein. Ce qui manque, dit-elle, ce sont des écrivains qui parlent aux jeunes. On n'a pas assez d'auteurs qui sachent ce qu'est une “bonne histoire”. Mais ça viendra… " Les bons livres jeunesse, l'Afrique du Sud de Mandela en a déjà produit – ignorés, hélas, des éditeurs européens. Qu'attend-on pour publier, dans la langue de Marcel Aymé, le tordant Mouseboat (" Le bateau des souris ", Tafelberg, 2008), de Paddy Bouma, où un perroquet du nom de Foucault et un chat baptisé Lacan accompagnent une famille de souris en croisière dans le Lot ? Que ne se jette-t-on sur les albums d'Alex Latimer ou sur The Space Race (" La race/course de l'espace ", Umuzi), son premier roman, résolument post-apartheid ? Ou sur les incroyables histoires, sans fée ni fioritures, d'une Sindiwe Magona ou d'une Gcina Mhlope – stars de la littérature orale et auteures de livres pour enfants ? Egalement invité à Montreuil, le formidable Thando Bezana est un passionné de storytelling : c'est à Kliptown, township de Johannesburg, que sa mère, illettrée, l'initia à cet art du récit. Le conte musical que Thando Bezana va présenter à Montreuil s'intitule Izinbada (" Histoire ", en zoulou) : un clin d'œil à l'enfance, sans cesse réinventée… Catherine Simon
© Le Monde
-------------------------------- https://mialisoa.wordpress.com/2013/11/23/toliara-1766/comment-page-1/#comment-5 Salama, j'essaye de m'intéresser à l'Afrique du Sud mais je n'y suis jamais allé étes vous établie au Cap une journaliste fait un reportage sur littérature jeunesse la-bas à l'occasion du festival Montreuil, connaissez vous les écrivains qu'elle cite ? je vous mets cet article en copie http://sainagasydadabe.blogspot.fr/2013/11/enfances-sud-africaines-catherine-simon.html épaté de votre curiosité, bien à vous |
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