jeudi 12 juin 2014

"fahavetavetam-pinety na fanao " paillardises de @sligaga existe t il lorsque @nanraza ne le regarde pas ?

lecture pour @nanraza 
vous reposer des paillardises de @sligaga
apprendre à parler d'amour ?
en ligne premiéres pages de "mpahaikanto velo-miriorio"
Patrice Cherreau premier lecteur de "Bohéme"
promesse de discrétion..


Aalin Veinstein reçoit Olivier Steiner pour son roman "La vie privée"
http://www.franceculture.fr/emission-du-jour-au-lendemain-olivier-steiner-2014-06-12

  1.  ‏@sainagasydadabe maintenant
    existe t il lorsque ne le regarde pas ? 
    vie exhibée ? vie exhibée


L'autre sous-merde a encore frappé...  

13 juin 2014
Existe-t-on quand personne ne nous regarde ? L'altérité qui nous révèle à nous-même, et nous fait connaître le monde, se trouve au cœur de trois inquiétants romans

L'autre, miroir sans tain

 http://www.lemonde.fr/livres/article/2014/06/12/l-autre-miroir-sans-tain_4436455_3260.html

Lorsque Nina, l'héroïne de Si rien ne bouge, d'Hélène Gaudy, passe la porte de la maison -familiale cet été-là, quelque chose en elle a déjà commencé de changer. Depuis qu'elle est petite fille, dans cette demeure perdue d'une île méditerranéenne, chaque été se déroule à l'instar du précédent pour l'adolescente et ses parents. Mais cette année, ces derniers ont invité  pour lui tenir compagnie Sabine, une jeune fille mystérieuse et taciturne. La présence de celle-ci va soudainement réveiller Nina de sa torpeur, et faire éclater le noyau familial, en l'aidant à se révéler au monde et à elle-même.
Tout comme Si rien ne bouge, La Vie privée, d'Olivier Steiner, et On sait l'autre, d'Edith Azam, interrogent le rôle de l'autre dans la construction de notre identité, qu'il l'aide à s'affirmer ou, au contraire, qu'il en menace l'intégrité. Laissant chacun face à cette question essentielle au cœur des trois romans : existe-t-on quand personne n'est là pour nous regarder ?
Dès l'ouverture de Si rien ne bouge, tout est effectivement affaire de regards. Ceux que Nina pose à son arrivée sur Sabine, dont elle ne veut rien perdre : les mouvements de sa tête sur son cou épais, ses mollets ronds et lisses, ses pieds sur les aiguilles de pin... Une scène est particulièrement forte. La première nuit où les filles partagent la même chambre, Nina s'approche de Sabine endormie : à travers le visage de celle-ci, c'est elle-même que Nina cherche, celle qu'elle est en passe de devenir. D'autant plus que -Sabine possède une certaine avance sur elle - elle a déjà couché avec des garçons.
Dans le livre d'Hélène Gaudy, la construction de l'identité passe essentiellement par le corps. Il s'agit toujours de ressentir : sous l'effet de la chaleur estivale, les êtres sont presque toujours dénudés, les peaux lustrées par le soleil, et il semble que ce soit le corps qui agisse et possède l'individu, et non l'inverse, le ramenant à une certaine forme d'animalité. Ainsi Nina, qui n'avait jamais vraiment pris conscience du sien, va-t-elle commencer à l'habiter  réellement.  Un éveil sensuel particulièrement bien rendu par la langue habile et précise d'Hélène Gaudy dans une scène d'une beauté trouble où Sabine, se substituant au corps d'un hypothétique garçon, s'allonge sur Nina pour lui donner un avant-goût de ce qui l'attend : le corps lourd de Sabine imprime son poids sur celui de l'adolescente et " dans chacun de ses creux à elle il y a quelque chose du corps de l'autre, comme si chaque vide avait besoin d'être rempli exactement ".
L'autre est ainsi celui qui me révèle à moi-même, mais il est aussi celui qui me révèle le monde : tout se passe comme si Nina, depuis l'arrivée de Sabine, s'ouvrait enfin à ce qui l'entoure, y devenait sensible, perméable - comme lors de ces échappées à travers la ville, durant lesquelles elle découvre des rues qu'elle pensait pourtant connaître depuis longtemps. Mais l'autre est encore celui qui fait peur et qui inquiète, l'inconnu qui vient bouleverser un équilibre jusqu'alors paisible et confortable : en même temps que leur fille va naître à elle-même, les parents de Nina vont se trouver démunis devant cette soudaine revendication d'autonomie. Ainsi, l'autre n'est-il pas seulement l'étranger extérieur au noyau familial : il peut également surgir de la sphère intime.
C'est encore au contact de l'autre que l'on vient éprouver sa réalité dans La Vie privée, deuxième roman d'Olivier Steiner. Tandis que, dans la chambre du haut, repose le corps d'Emile, vieil homme que le narrateur a accompagné jusqu'à son dernier souffle, celui-ci attend la visite du " dominateur ". Il la prépare minutieusement, ouvre et ferme les volets, allume et éteint les lampes, les déplace. Va alors pouvoir commencer pour les deux amants une danse de vie et de mort, où se mêlent excitation extrême et peur archaïque, et dans laquelle le dominateur sera alternativement un prédateur impitoyable et un père aimant, et le narrateur, l'esclave et l'enfant qui s'abandonne. Car il s'agit bien de ça : s'abandonner totalement à l'autre, s'oublier soi-même jusqu'à s'anéantir dans une fusion tout à la fois salvatrice et expiatoire.
Mais si, dès le départ, une formule insoluble est posée - dans l'union des corps, on ne fait que s'approcher au plus près de la frontière qui nous sépare de l'autre, sans jamais pouvoir la dépasser -, il semble qu'à la fin, une forme de dénouement s'est opérée. L'une des particularités du roman d'Olivier Steiner réside, en effet, dans l'alternance de plus en plus rapprochée entre les scènes d'ébats et les allers et retours en pensée du narrateur vers la chambre du haut, aux côtés du corps d'Emile. On comprend alors que quelque chose de l'ordre du deuil a été vécu, au fil de cette union dans laquelle le narrateur a tour à tour été meurtri, puis rendu à lui-même. C'est là que réside tout l'intérêt du roman : il s'agit moins, à travers cette mise en parallèle, d'opposer la vie à la mort, que de chercher à rendre à la mort ce qui lui appartient. Dans ce corps-à-corps fiévreux, quelque chose du narrateur a été sacrifié, comme un ultime hommage au vieil homme, à l'ami perdu.
Il est encore question de mise à mort dans le texte d'Edith Azam, On sait l'autre, mais, cette fois, sans retour possible. On ne sait rien du narrateur sinon qu'il est chez lui lorsqu'il entend des pas sur le gravier. Ce qui pourrait, au départ, être vécu comme le simple désagrément d'une visite inopportune va petit à petit se muer en un malaise profond. Ici, l'autre n'est jamais vécu que comme une menace, un danger. Et pour cause : il vole, viole, tue. Il nous dépossède de nous-mêmes, cherche à nous infiltrer pour se substituer à nous et nous manipuler, et finalement nous tuer. Ainsi, la maison dans laquelle s'est réfugié le narrateur, et que l'autre cherche à forcer, semble n'être qu'une métaphore de son intimité, de sa propre " intériorité ". Ici, non seulement l'autre ne nous révèle pas à nous-même, il n'est pas condition de notre existence, mais il est au contraire négation de celle-ci, puisque sa présence induit nécessairement notre disparition. Il veut nous faire la peau, l'autre, mais pas seulement.Il veut faire la peau du langage. Parce que c'est bien là que se retranche la vie pour Edith Azam, dans les mots, qui ne sont jamais, chez elle, une abstraction - ils sont solides en bouche, les mots, ils sont faits de chair, ils saignent, même, pour nous, quand l'autre essaye de nous atteindre, ils s'offrent en sacrifice. Porté par une langue intense mais toujours maîtrisée (on notera en particulier un usage très judicieux du double point), le long poème en prose d'Edith Azam se mue ainsi en un hymne puissant à la littérature.
Si, dans les romans d'Hélène Gaudy et d'Olivier Steiner, la limite entre moi et l'autre demeure indépassable, elle n'a jamais été aussi proche d'être abolie que dans le texte d'Edith Azam : sans doute cet ennemi intime qui cherche à prendre possession de nous n'est-il que cette part obscure et redoutée de nous-même qui n'est pas du côté du langage, et qui risque de nous perdre. Une autre façon de dire ce qui perce dans les deux autres textes : si l'autre nous fascine autant, si son regard provoque le vertige, ce n'est sans doute pas tant par ce qu'il semble nous dire de lui, que par ce qu'il nous renvoie de nous-même, et qui nous est étranger.
Avril Ventura
© Le Monde

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