Après cinq ans d'attente, Madagascar a son nouveau président
Hery Rajaonarimampianina, soutenu par l'homme fort du
régime de transition Andry Rajoelina, a été élu président de Madagascar,
a annoncé la cour électorale spéciale après examen des recours déposés
par son adversaire.
(chapeau du site internet du Monde )
Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
Madagascar était suspendue au verdict de la Cour électorale spéciale (CES) qui a annoncé vendredi 17 janvier que Hery Rajaonarimampianina, soutenu par l'homme fort du régime de transition, Andry Rajoelina, était élu président de Madagascar, après examen des recours déposés par son adversaire.
M. Rajaonarimampianina, 55 ans, ancien ministre des finances du régime installé début 2009 après un coup de force, est ainsi « déclaré officiellement président de la République de Madagascar », a annoncé le président de la CES, François Rakotozafy, rappelant qu'il avait recueilli 53,49 % des voix au second tour.
Lire (édition abonnés) : Andry Rajoelina : "Mon candidat sera le nouveau président de Madagascar"
Jean-Louis Robinson, le candidat adoubé par l'ancien président Marc
Ravalomanana, renversé en 2009 et en exil en Afrique du Sud, a, lui,
remporté 46,51 % des voix, selon le décompte confirmé par la CES. Il y a
eu environ quatre millions de votants pour près de huit millions
d'inscrits. Mardi, la CES avait organisé une confrontation à huis clos
en présence des avocats des deux candidats, après la requête en
annulation du scrutin déposée par M. Robinson pour irrégularité de la
liste électorale utilisée.UN SCÉNARIO « À LA POUTINE »
Cette élection est censée sortir Madagascar de la crise politique déclenchée en 2009 par le renversement de Marc Ravalomanana par Andry Rajoelina. Depuis près de cinq ans, ce dernier était le président d'un régime non élu. Ni M. Ravalomanana, ni M. Rajoelina n'ont pu se présenter à la présidentielle, sous la pression de la communauté internationale qui craignait des troubles. Ils ont chacun choisi de soutenir l'un des deux candidats qualifiés pour le deuxième tour.
Sur le plan institutionnel, Madagascar pourrait ainsi connaître un scénario « à la Poutine », le président sortant devenant premier ministre et gardant l'essentiel du pouvoir. Le camp Rajoelina est, en effet, en position de nommer son homme fort premier ministre après avoir emporté la majorité relative à l'Assemblée nationale, selon des résultats provisoires.
La grande inconnue tient désormais à l'attitude de l'ancien président Ravalomanana. Sa femme est, depuis 2013, de retour à Madagascar, très active politiquement, alors que lui-même est toujours interdit de séjour sur l'île.
DÉFIS MULTIPLES POUR LE NOUVEAU PRÉSIDENT
Quand il était ministre, M. Rajaonarimampianina a su gérer tant bien que mal les finances publiques d'un pays privé d'aide internationale bien que son implication dans le régime qui a dirigé l'île pendant plus de quatre ans lui vaille d'être soupçonné par ses adversaires d'avoir couvert certains trafics illégaux.
Depuis 2009, en effet, le pays s'est retrouvé au ban des nations, les investisseurs ont déserté et l'aide internationale s'est tarie, provoquant une grave crise économique et un appauvrissement général de la population, en parallèle de la crise politique.
Les défis qui attendent le nouveau président sont donc immenses, à commencer par la stabilisation politique, clé d'un redémarrage du tourisme (15 % du PIB actuellement) et de la concrétisation de projets de prospection pétrolière et minière. Madagascar, qui avait connu une croissance enviable sous l'ère Ravalomanana – avant la crise financière mondiale – a fait marche arrière dans de nombreux domaines.
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Andry Rajoelina : "Mon candidat sera le nouveau président de Madagascar"
LE MONDE |
• Mis à jour le
|
Propos recueillis par Sébastien Hervieu (Antananarivo, envoyé spécial)
Ancien disc-jockey de 39 ans et ex-maire d'Antananarivo, l'actuel
président de la transition, Andry Rajoelina, a pris le pouvoir à
Madagascar en 2009, soutenu par une partie de l'armée et de la
population. Le second tour de l'élection présidentielle opposera, le 20
décembre, le candidat de l'actuel homme fort du pays à celui de l'ancien
président Marc Ravalomanana.
Robinson Jean Louis (21,10 % des voix au premier tour) et Hery Rajaonarimampianina (15,93 %) s'affronteront le 20 décembre. Contrairement au premier tour, allez-vous soutenir officiellement un candidat ?
Andry Rajoelina : Je ne pouvais pas soutenir officiellement un candidat au premier tour car ma mouvance avait plusieurs candidats. Je voulais qu'il y ait une égalité de chance. Mais dans la coulisse, j'ai soutenu Hery Rajaonarimampianina. J'ai donné des consignes. Mes ministres l'ont soutenu. Pour le second tour, c'est désormais clair : Hery Rajaonarimampianina est le candidat de la mouvance Rajoelina, le candidat de la révolution.
Peut-il gagner ?
Andry Rajoelina : On connaît désormais les forces des uns et des autres, et je suis assez fier et satisfait car la révolution, à Madagascar, s'est traduite dans les urnes. L'ancien président Marc Ravalomanana a fait campagne pour Robinson Jean Louis, et celui-ci a obtenu 21 %.
De notre côté, nous avions dix candidats. Si on fait le calcul, nous arrivons à près de 55 %. Le candidat que je soutiens sera le nouveau président de Madagascar.
Allez-vous faire campagne aux côtés de votre candidat ?
Je ne peux pas encore dévoiler notre stratégie, mais nous allons respecter la loi. Le code électoral malgache autorise l'utilisation de ma photo pendant la campagne. Je peux aussi assister à des meetings, mais je n'ai pas le droit d'y parler.
La feuille de route de sortie de crise n'exige-t-elle pas que le président malgache reste neutre pendant le processus électoral ?
Je ne comprends pas pourquoi la communauté internationale n'a pas interdit à l'ancien président Ravalomanana de parler en direct pendant les meetings de Robinson Jean Louis depuis l'Afrique du Sud.
Cinq ans après, vous retrouvez Marc Ravalomanana sur votre chemin. N'est-ce pas cinq années de transition pour rien ?
Nous allons savoir qui le peuple veut voir à la tête de ce pays et qui a eu raison. Effectivement, nous revenons à la case départ. Il fallait faire des élections depuis longtemps. J'avais proposé d'en organiser en décembre 2009.
Nous aurions ainsi réglé cela depuis longtemps, mais la communauté internationale nous a imposé de nombreuses exigences pour la tenue du scrutin .
Quelle est votre principale réussite à la tête du pays ?
Je suis fier que Madagascar n'ait pas basculé dans la guerre civile. Tous les signaux étaient au rouge, mais j'ai déployé les efforts nécessaires pour éviter le pire.
La situation économique et sociale ne s'est-elle pas considérablement dégradée depuis votre arrivée au pouvoir ?
Nous avons fait beaucoup d'efforts pour permettre au pays d'avancer, comme, par exemple, bâtir des hôpitaux aux normes internationales dans les neuf grandes villes de Madagascar.
Mais beaucoup reste à faire. Notre grand défi a été de nous en sortir malgré les sanctions imposées pendant cinq ans. Ce sont les personnes les plus vulnérables qui ont été les plus touchées.
Sous votre présidence, les trafics, comme celui du bois de rose, n'ont-ils pas prospéré ?
Ces trafics existaient déjà du temps de l'ancien gouvernement. Nous avons tout fait pour éradiquer les exportations illicites de bois de rose, de pierres précieuses, de tortues, etc.
En 2011, j'ai signé une ordonnance interdisant l'exploitation de bois précieux. Les forces de l'ordre font de leur mieux, mais des responsables locaux et des cadres du ministère de l'environnement s'arrangent pour exporter illicitement le bois.
On vous accuse, ainsi que votre entourage, de vous être enrichi personnellement pendant votre présidence. Est-ce le cas ?
Je suis un patriote. Je ne me suis pas enrichi pendant cette transition. Ni de près ni de loin. Ni directement ni indirectement.
J'ai d'ailleurs renoncé à mon salaire de président. Je vis grâce à mes sociétés et mes biens immobiliers.
Quel est le montant de votre fortune personnelle ?
C'est personnel. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on ne peut pas m'acheter et que je ne suis pas un homme qui court après l'argent.
Si votre candidat l'emporte, serez-vous son premier ministre ?
Cela dépendra de la situation politique. Si le nouveau président peut sereinement gérer le pays avec un autre premier ministre, je les laisserai faire. Mais si le pouvoir est mis en danger par une tentative de renversement par exemple, je serai toujours là aux côtés du peuple malgache.
Quel rôle comptez-vous jouer après l'élection ?
Je laisserai celui qui sera élu diriger librement le pays. Je serai comme un sage, je prendrai du recul.
Je veux préparer l'avenir de Madagascar. Je travaillerai avec des experts internationaux et nationaux pour établir un programme de développement du pays à cinq, dix, quinze et vingt ans.
Est-ce pour mieux revenir lors de l'élection présidentielle de 2018 ?
Oui, c'est ce que j'ai en tête. Je veux revenir en force, tôt ou tard, pour le peuple malgache.
Et si votre candidat est battu ? Partirez-vous en exil ?
Lors de la crise de 2009, quand Marc Ravalomanana voulait m'arrêter, la chargée d'affaires française, après avoir eu la gentillesse de m'accueillir à l'ambassade, m'avait proposé de m'exiler en France.
Mais un patriote ne se sauve jamais. Je suis prêt à une passation de pouvoir démocratique, mais de toute façon, ça sera avec notre candidat car il va gagner l'élection. C'est clair et net.
Robinson Jean Louis (21,10 % des voix au premier tour) et Hery Rajaonarimampianina (15,93 %) s'affronteront le 20 décembre. Contrairement au premier tour, allez-vous soutenir officiellement un candidat ?
Andry Rajoelina : Je ne pouvais pas soutenir officiellement un candidat au premier tour car ma mouvance avait plusieurs candidats. Je voulais qu'il y ait une égalité de chance. Mais dans la coulisse, j'ai soutenu Hery Rajaonarimampianina. J'ai donné des consignes. Mes ministres l'ont soutenu. Pour le second tour, c'est désormais clair : Hery Rajaonarimampianina est le candidat de la mouvance Rajoelina, le candidat de la révolution.
Peut-il gagner ?
Andry Rajoelina : On connaît désormais les forces des uns et des autres, et je suis assez fier et satisfait car la révolution, à Madagascar, s'est traduite dans les urnes. L'ancien président Marc Ravalomanana a fait campagne pour Robinson Jean Louis, et celui-ci a obtenu 21 %.
De notre côté, nous avions dix candidats. Si on fait le calcul, nous arrivons à près de 55 %. Le candidat que je soutiens sera le nouveau président de Madagascar.
Allez-vous faire campagne aux côtés de votre candidat ?
Je ne peux pas encore dévoiler notre stratégie, mais nous allons respecter la loi. Le code électoral malgache autorise l'utilisation de ma photo pendant la campagne. Je peux aussi assister à des meetings, mais je n'ai pas le droit d'y parler.
La feuille de route de sortie de crise n'exige-t-elle pas que le président malgache reste neutre pendant le processus électoral ?
Je ne comprends pas pourquoi la communauté internationale n'a pas interdit à l'ancien président Ravalomanana de parler en direct pendant les meetings de Robinson Jean Louis depuis l'Afrique du Sud.
Cinq ans après, vous retrouvez Marc Ravalomanana sur votre chemin. N'est-ce pas cinq années de transition pour rien ?
Nous allons savoir qui le peuple veut voir à la tête de ce pays et qui a eu raison. Effectivement, nous revenons à la case départ. Il fallait faire des élections depuis longtemps. J'avais proposé d'en organiser en décembre 2009.
Nous aurions ainsi réglé cela depuis longtemps, mais la communauté internationale nous a imposé de nombreuses exigences pour la tenue du scrutin .
Quelle est votre principale réussite à la tête du pays ?
Je suis fier que Madagascar n'ait pas basculé dans la guerre civile. Tous les signaux étaient au rouge, mais j'ai déployé les efforts nécessaires pour éviter le pire.
La situation économique et sociale ne s'est-elle pas considérablement dégradée depuis votre arrivée au pouvoir ?
Nous avons fait beaucoup d'efforts pour permettre au pays d'avancer, comme, par exemple, bâtir des hôpitaux aux normes internationales dans les neuf grandes villes de Madagascar.
Mais beaucoup reste à faire. Notre grand défi a été de nous en sortir malgré les sanctions imposées pendant cinq ans. Ce sont les personnes les plus vulnérables qui ont été les plus touchées.
Sous votre présidence, les trafics, comme celui du bois de rose, n'ont-ils pas prospéré ?
Ces trafics existaient déjà du temps de l'ancien gouvernement. Nous avons tout fait pour éradiquer les exportations illicites de bois de rose, de pierres précieuses, de tortues, etc.
En 2011, j'ai signé une ordonnance interdisant l'exploitation de bois précieux. Les forces de l'ordre font de leur mieux, mais des responsables locaux et des cadres du ministère de l'environnement s'arrangent pour exporter illicitement le bois.
On vous accuse, ainsi que votre entourage, de vous être enrichi personnellement pendant votre présidence. Est-ce le cas ?
Je suis un patriote. Je ne me suis pas enrichi pendant cette transition. Ni de près ni de loin. Ni directement ni indirectement.
J'ai d'ailleurs renoncé à mon salaire de président. Je vis grâce à mes sociétés et mes biens immobiliers.
Quel est le montant de votre fortune personnelle ?
C'est personnel. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on ne peut pas m'acheter et que je ne suis pas un homme qui court après l'argent.
Si votre candidat l'emporte, serez-vous son premier ministre ?
Cela dépendra de la situation politique. Si le nouveau président peut sereinement gérer le pays avec un autre premier ministre, je les laisserai faire. Mais si le pouvoir est mis en danger par une tentative de renversement par exemple, je serai toujours là aux côtés du peuple malgache.
Quel rôle comptez-vous jouer après l'élection ?
Je laisserai celui qui sera élu diriger librement le pays. Je serai comme un sage, je prendrai du recul.
Je veux préparer l'avenir de Madagascar. Je travaillerai avec des experts internationaux et nationaux pour établir un programme de développement du pays à cinq, dix, quinze et vingt ans.
Est-ce pour mieux revenir lors de l'élection présidentielle de 2018 ?
Oui, c'est ce que j'ai en tête. Je veux revenir en force, tôt ou tard, pour le peuple malgache.
Et si votre candidat est battu ? Partirez-vous en exil ?
Lors de la crise de 2009, quand Marc Ravalomanana voulait m'arrêter, la chargée d'affaires française, après avoir eu la gentillesse de m'accueillir à l'ambassade, m'avait proposé de m'exiler en France.
Mais un patriote ne se sauve jamais. Je suis prêt à une passation de pouvoir démocratique, mais de toute façon, ça sera avec notre candidat car il va gagner l'élection. C'est clair et net.
- Sébastien Hervieu (Antananarivo, envoyé spécial)
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