mercredi 13 janvier 2016

Rakotosoa, Andrianina , Rabemananjara, Zo Hasina , Ramamonjisoa, Bruno Salomon "Décentralisation de la gestion des ressources naturelles forestières à Madagascar : Illégitimité des normes, informalités des pratiques et paralysie de l’administration forestière "

http://orbi.ulg.ac.be/handle/2268/190666
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Pour appuyer les efforts de conservation de la biodiversité, des processus de transfert de gestion (TG) des ressources naturelles aux communautés locales de base ont été promus à Madagascar depuis 1996 avec un important financement étranger. Ce p’rocessus était censé stimuler une forte responsabilisation des acteurs en plaçant la prise de décisions dans la sphère locale, ce qui améliorerait l’efficacité. Le transfert de fonds et de capacité ainsi que l’appui des partenaires sont également requis pour rendre la décentralisation effective. Pourtant, un désintérêt et une déresponsabilisation croissants quant à la gestion des ressources par les populations locales ont été souvent constatés et le taux de déforestation est resté élevé. C’est le cas de la zone forestière de Mariarano où nous avons eu l’occasion d’observer la mise en œuvre d’un TG. A travers les perceptions des acteurs clés dans le TG : la communauté locale et l’administration forestière, ce travail consiste à dévoiler les enjeux du processus participatif, les impacts de la dépendance à l’aide, les stratégies de contournement des règles par la population locale et l’évolution des rapports entre l’administration et ses partenaires dans le cadre de l’Etat local.
A travers des actions déterminées par des prescriptions légales et des délais, les agents d’appuis activent le processus, négligent les clivages au sein de la population locale et cadrent les décisions résultants des négociations vers l’objectif de conservation. Cette procédure fait naître un sentiment d’imposition et aggrave l’illégitimité des normes promues. Par ailleurs, la population locale adopte un comportement opportuniste. Leur participation au processus fonctionne plus comme un mode de contrôle et d’accès aux ressources qu’un mode de préservation de celles-ci.
Pour la réalisation des tâches attribuées à la population locale et des activités alternatives des usages, dont l’accès est désormais réglementé, l’appui des partenaires est nécessaire vu leurs faibles capacités financières et techniques. Toutefois, les appuis restent ponctuels et limités selon la priorité et la disponibilité budgétaire des bailleurs de fonds. La loi n’engage pas non plus les partenaires pour faire l’accompagnement sur le moyen terme, bien que ceci soit important pour provoquer des changements. Ceux qui n’ont pas ressenti les avantages concrets sont allés vers des pratiques illégales. Clandestinité et dissimulation sont les stratégies adoptées pour faire valoir leurs droits. Une amplification de la complicité au sein de la communauté gestionnaire est constatée pour contourner les règles.
Quant au rapport de l’administration avec ses partenaires, il s’est détérioré. Dans un contexte marqué par la dépendance financière de l’Etat envers les bailleurs de fonds, l’administration est limitée dans ses fonctions et travaille comme consultant de ces derniers. Aux yeux des paysans, l’administration apparaît comme étant inapte à honorer ses engagements, ce qui nuit à sa crédibilité. Ainsi, elle rencontre des difficultés pour obtenir la confiance et la coopération de la population. Or celle-ci constitue le fondement de la gestion participative.
La persistance des activités de déforestation résulte donc de l’illégitimité des normes résultantes du processus participatif, du recours des acteurs aux pratiques informelles et enfin de la paralysie de l’administration.

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