La culture d’orge de brasserie en contre-saison (Région Amoron’i Mania, Hautes Terres Centrales de Madagascar)
parJames S. Ravalison
Maître
de Conférences, Département de Géographie, Université d’Antananarivo,
B.P 907 101 Antananarivo, Madagascar ; mél : jravalison@yahoo.fr
http://com.revues.org/6819
Les conditions topographiques, pédologiques et surtout pluviométriques
sont très favorables à la culture de l’orge de brasserie dans les
alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra. La culture est
pratiquée pendant la période de contre-saison de mai à septembre sur des
parcelles ayant porté du riz en saison des pluies. C’est une période de
faibles précipitations, c’est-à-dire 257 mm de pluies recueillies soit
18 % du total annuel. Le cycle végétatif de l’orge exige 500 mm de
précipitations. Aussi, pour combler le besoin en eau de l’orge, on
pratique l’irrigation, grâce à la présence d’infrastructures
hydrauliques locales héritées des projets rizicoles ODR1 et ODR2. L’orge
est une culture génératrice de revenus pour les paysans grâce à l’appui
technique et aux achats de la société privée Malto.
Actuellement, la production nationale d’orge de brasserie ne couvre
qu’un tiers de la demande de cette société ; cette culture peut encore
s’étendre.
http://com.revues.org/6819
Résumé
Les conditions topographiques, pédologiques et surtout pluviométriques
sont très favorables à la culture de l’orge de brasserie dans les
alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra. La culture est
pratiquée pendant la période de contre-saison de mai à septembre sur des
parcelles ayant porté du riz en saison des pluies. C’est une période de
faibles précipitations, c’est-à-dire 257 mm de pluies recueillies soit
18 % du total annuel. Le cycle végétatif de l’orge exige 500 mm de
précipitations. Aussi, pour combler le besoin en eau de l’orge, on
pratique l’irrigation, grâce à la présence d’infrastructures
hydrauliques locales héritées des projets rizicoles ODR1 et ODR2. L’orge
est une culture génératrice de revenus pour les paysans grâce à l’appui
technique et aux achats de la société privée Malto.
Actuellement, la production nationale d’orge de brasserie ne couvre
qu’un tiers de la demande de cette société ; cette culture peut encore
s’étendre.
La culture d’orge de brasserie en contre-saison (Région Amoron’i Mania, Hautes Terres Centrales de Madagascar)
James S. Ravalison
Maître
de Conférences, Département de Géographie, Université d’Antananarivo,
B.P 907 101 Antananarivo, Madagascar ; mél : jravalison@yahoo.fr
1
À
partir de 1997, les Hautes Terres centrales de Madagascar et plus
particulièrement la région d’Amoron’i Mania, dans le pays Betsileo nord,
ont adopté l’orge comme culture de contre-saison. D’une part, il s’agit
d’une nouvelle pratique agricole très rémunératrice avec adéquation de
l’offre et de la demande en tenant compte des potentialités naturelles
de la région. D’autre part, la vulgarisation de la culture,
l’encadrement technique des paysans et l’achat de la production sont
assurés par la Société privée Malto.
L’orge de brasserie est une plante des régions tempérées mais les
conditions naturelles locales ont permis aux paysans de pratiquer cette
culture dans une zone typiquement tropicale d’altitude avec deux saisons
bien distinctes : une saison pluvieuse et chaude de novembre à avril et
une saison sèche et fraîche de mai à octobre. Une culture pratiquée
pendant la période sèche et fraîche est qualifiée de contre-saison :
c’est justement le cas de l’orge de brasserie. La plupart des cultures
saisonnières, à commencer par le riz, sont cultivées en saison de
pluies. Deux autres cultures sont aussi pratiquées en saison sèche :
celles du blé et de la pomme de terre.
2
Dans
notre zone d’étude, les conditions climatiques et plus particulièrement
pluviométriques ne sont pas perçues comme une contrainte agricole, même
si la quantité de pluie recueillie n’arrive pas à satisfaire les
besoins de l’orge. D’une part, les paysans sont fortement motivés par
les valeurs marchandes de la production et sont prêts à affronter toutes
les difficultés qui se présentent, d’autre part, l’encadrement
technique offert par la Société privée Malto constitue une assurance pendant la période culturale.
3
Si
la fluctuation des données pluviométriques reste le principal problème,
les solutions adoptées pour y remédier sont l’irrigation et le
drainage. La culture de l’orge de brasserie est une occasion d’améliorer
le niveau de vie pour les paysans dans notre zone d’étude où les
conditions écologiques sont très favorables.
4
L’adoption
de cette innovation va marquer le cadre économique des échanges. En
outre, la présence de la route nationale (RN) 7 facilite l’évacuation de
tous les produits agricoles destinés au marché : la zone d’étude
commence à figurer dans un contexte d’économie de marché.
Caractéristiques de la zone d’étude
5
Les
bassins d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra, situés dans le
pays Betsileo nord (fig. 1), possèdent des conditions écologiques très
favorables à l’agriculture.
6
L’alvéole
d’Ambohimanjaka se trouve à 40 km au sud de la ville d’Antsirabe, à
20°13’ Sud et 47°5’ Est, et a une superficie de 350 ha. Celui d’Ilaka
centre se trouve à 50 km au sud d’Antsirabe, à 20°18’ Sud et 47°8’ Est
(superficie : 400 ha). L’alvéole d’Ambositra se trouve à 90 km au sud
d’Antsirabe, à 20°32’ Sud et 47°22’ Est (superficie : 700 ha).
7
Le champ d’activité de la société privée Malto
s’étend à travers l’ensemble du pays Betsileo nord (fig. 2), mais nous
avons choisi les trois alvéoles car ils sont desservis par la RN 7.
Celle-ci facilite l’écoulement de la production, ce qui favorise la
motivation des paysans à pratiquer la culture de l’orge.
8
À
eux seuls, ces trois alvéoles fournissent environ la moitié de la
production d’orge de brasserie du pays Betsileo nord, même si les
surfaces de cette culture restent encore peu importantes, de l’ordre de
5 % des terres cultivables, soit environ 10 % pour les deux premiers et 1
à 2 % pour le troisième. Le reste de la production régionale provient
de parcelles dispersées, sur des terroirs de bas-fonds du pays Betsileo
nord.
9
Les
trois bassins ont des conditions pédologiques bien adaptées à la
culture de l’orge à savoir des sols profonds à structure grumeleuse
perméable et fraîche, des sols riches en limons et en matière minérale,
une zone inondable constituée par des sols argilo-limoneux et un glacis
de raccordement avec les versants périphériques constitués de sols
riches en limons et sable, bien adaptés à la culture de l’orge.
Figure 1 – Localisation des alvéoles dans le pays Betsileo nord
10
Enfin,
ces trois alvéoles sont fortement drainés par des cours d’eau,
permettant de mettre en place des réseaux d’irrigation pour pallier les
déficits pluviométriques en contre-saison : la rivière Manandona arrose
Ambohimanjaka, celles de Saharevo et Ampampana alimentent Ilaka centre
et celle d’Isaha irrigue l’alvéole d’Ambositra.
Méthode et démarche
11
L’indice
agro-climatique de l’ETP (Évapo-Transpiration Potentielle), calculé au
moyen de la formule de Penman constitue la meilleure méthode pour
étudier les échanges énergétiques entre un couvert végétal et
l’atmosphère. Mais la validité de l’ETP climatique doit tenir compte
d’un laps de temps très long et d’une étude comparative entre plusieurs
stations d’observation. De ce fait, plusieurs problèmes sont à
signaler :
- notre zone d’étude ne dispose pas de stations synoptiques météorologiques d’observation. Les stations d’Ilaka centre et d’Ambositra ne relèvent que les données pluviométriques. Elles ne disposent pas d’appareil adéquat pour mesurer les différents éléments intervenant dans le calcul de l’ETP Penman comme la durée d’insolation, la vitesse du vent et la tension de la vapeur d’eau. Par conséquent, nous sommes obligés d’utiliser tout simplement les données pluviométriques correspondantes à la période végétative de l’orge ;
- étant donné que la culture de l’orge a été introduite dans la zone d’étude très récemment, vers la fin des années 1980, la première véritable production a eu lieu en 1997. Par conséquent, seules les données pluviométriques de 1997 à 2004 seront utilisées. La méthode est fondée sur un raisonnement physique simple en confrontant des valeurs brutes de précipitations et des valeurs de rendement de l’orge. Cette période concerne donc la période sèche et fraîche de mai à octobre ;
- la période sèche et fraîche de mai à octobre n’est pas totalement dépourvue d’humidité. C’est pourquoi, pour avoir un ordre de grandeur dans la répartition des pluies, nous utilisons le CPM (Coefficient Pluviométrique Mensuel) de Ravet et Péguy (1958) :
12
Un
coefficient mensuel égal à 1 signifie que la pluie pendant le mois
considéré est égale à celle correspondant à une répartition uniforme de
la pluviosité annuelle ; un coefficient mensuel égal à 2 signifie que la
pluie pendant le mois considéré est le double de celle correspondant à
une répartition uniforme de la pluie annuelle
Des alvéoles couloir et cuvette dans le bassin-versant de la Mania
13
Les
trois alvéoles font partie du bassin-versant de la Mania. Cette rivière
prend sa source à la limite de la forêt humide du versant oriental de
Madagascar, traverse les Hautes Terres centrales pour rejoindre le
fleuve Tsiribihina du versant occidental. L’ensemble du bassin-versant
occupe une superficie de 7 000 km2, est
marqué par le caractère très disséqué des reliefs avec plusieurs unités
topographiques très complexes et variées où se succèdent montagnes,
plateaux, collines, vallées, et alvéoles (fig. 2). Les trois alvéoles
sont localisés au niveau de l’axe central des Hautes Terres Centrales,
dans un couloir dépressionnaire et alignés selon une orientation
nord-nord-ouest/sud-sud-est : du nord au sud se trouvent successivement,
et sur 50 km, l’alvéole d’Ambohimanjaka, l’alvéole d’Ilaka centre, tous
deux situés au pied de l’escarpement de faille Manandona, et enfin
l’alvéole d’Ambositra.
Figure 2 – Les principales unités topographiques du pays Betsileo nord
14
Deux
domaines climatiques font l’originalité de Madagascar. D’une part, le
domaine soumis au vent de l’alizé (versant oriental) où il pleut pendant
toute l’année, et d’autre part, le domaine sous-le-vent (les Hautes
Terres Centrales, le versant occidental et le sud) présentant deux
saisons bien distinctes (saison pluvieuse et saison sèche). Ainsi, selon
les valeurs de CPM de Ravet et de Péguy (1958) notre zone d’étude avec
la station pluviométrique d’Ambositra présente deux saisons bien
distinctes :
- une saison pluvieuse de novembre à mars dont les CPM sont supérieurs à 1 ;
- une saison sèche d’avril à octobre dont les CPM sont inférieurs à 1.
Tableau 1 - Pluies et CPM entre 1997 et 2004, station d’Ambositra
(Source : Service Météorologie Antananarivo)
15
Pendant
la saison pluvieuse de novembre à mars la station enregistre 1 038 mm
de pluies soit 81 % du total annuel, contre 275 mm soit 18 % du total
annuel pour la saison sèche d’avril à octobre.
16
Qu’en est-il des mécanismes pluviogènes ?
17
Plusieurs
facteurs interviennent pour que la pluie se déclenche : l’humidité de
la masse d’air et l’instabilité de l’air. Pendant la saison pluvieuse de
novembre à mars, plusieurs mécanismes interviennent pour apporter des
précipitations :
- l’anticyclone de l’océan Indien qui se trouve au Sud-Est de Madagascar pendant toute l’année apporte l’alizé chargé d’humidité et le moindre contact avec le relief crée une ascendance forcée responsable des pluies orographiques ;
- une autre masse d’air venue du Nord-Ouest de Madagascar véhicule la mousson, un vent très humide : quand le mécanisme d’ascendance provoqué par le relief est amorcé, elle donne de fortes précipitations ;
- le contact de la mousson avec l’alizé crée un mouvement convectif responsable de pluies très persistantes ;
- le réchauffement de la terre, surtout pendant l’après-midi, crée une convection par l’ascendance thermique de l’air qui, par la suite, est responsable des fortes précipitations de fin d’après-midi ;
- enfin, les perturbations cycloniques sont aussi la cause de fortes précipitations. La plupart des cyclones tropicaux qui touchent Madagascar viennent de l’Océan Indien et une fois dans la région ils sont affaiblis par le relief du versant oriental de Madagascar. Cependant ils apportent des fortes précipitations, au moins 10 % des précipitations recueillies pendant la saison pluvieuse.
18
Pendant
la saison sèche d’avril à octobre, tous les mécanismes pluviogènes
cités précédemment sont absents. Les quelques pluies enregistrées
proviennent du débordement de la couche d’air humide de la côte
orientale sur les Hautes Terres Centrales dû à la présence en permanence
de l’Anticyclone de l’océan Indien dans le Sud-Est de Madagascar. Les
alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre sont abrités par l’escarpement
de la Manandona, dont la
dénivellation est supérieure à 300 m. Le sommet de l’escarpement avec le
plateau de Soanindrariny à 1 900 m d’altitude constitue un écran au
flux de l’alizé d’Est et provoque des effets de foëhn locaux qui
affaiblissent la quantité des précipitations recueillies. L’alvéole
d’Ambositra par contre est protégé par le plateau d’Imady.
Ce dernier se trouve à 1 420 m d’altitude et provoque aussi des effets
de foëhn locaux responsables de la faible quantité de pluies
recueillies.
19
En
somme, l’ascendance de l’air une fois déclenchée, quelle que soit son
origine (orographique, dynamique, cinématique ou thermique) constitue la
principale cause des précipitations.
Une orge à cycle végétatif relativement court
20
L’orge
de brasserie appartient à la famille des Triticales ; sa durée de cycle
végétatif varie de 120 à 170 jours. Plusieurs phases marquent son cycle
végétatif : la levée de tallage, la montaison, la floraison et la
maturation des grains.
- La levée de tallage dure entre 3 à 5 semaines au cours desquelles le jeune plant acquiert 5 à 6 racines et quelques feuilles. La température favorable pour cette phase s’étale entre 5 °C et 38 °C.
- La montaison s’étend sur 5 semaines et est marquée par l’apparition de la dernière feuille et le renflement de la tige. La température optimum doit être supérieure à 6 °C et inférieure à 38 °C.
- La floraison a lieu quand le grain de pollen et l’ovule apparaissent et sont prêts pour la fécondation. La fin de cette phase est caractérisée par l’écartement des glumelles et la sortie des anthères. Il faut environ 16 °C pour que le processus de floraison soit effectif.
- La maturation est marquée par le grossissement de chaque fleur et au bout de 3 à 4 semaines, le grain a acquis sa forme et sa taille définitives. La maturation se manifeste par l’inclinaison des épis sous le poids de la graine. Le plant requiert une température moyenne de 20 °C pour la maturation.
21
Les
besoins en eau de l’orge sont de 500 mm pendant le cycle végétatif.
L’eau est indispensable à l’orge aux stades de sa germination et de sa
levée de tallage. Pendant les phases de floraison et de maturation, la
demande en eau devient de moins en moins importante et l’orge est peu
sensible au déficit d’humidité.
22
Les variétés cultivées dans notre zone d’étude sont issues de la recherche faite par la société Malto
elle-même. Il s’agit des variétés 469, BK, et 831, qui sont très
résistantes aux conditions écologiques des Hautes Terres centrales de
Madagascar.
Une contre-saison adaptée à la culture de l’orge de brasserie
23
Ici
la véritable contre-saison commence à partir du mois de mai, pour
prendre fin au mois d’octobre. Cette période correspond effectivement au
cycle végétatif de l’orge.
24
Pendant
cette période, la zone d’étude recueille 275 mm de pluie soit 18 % du
total annuel (tabl. 1) la répartition des quantités d’eau recueillies
est plus ou moins équilibrée. En fait, la quantité pluviométrique
recueillie est de 275 mm, alors que le besoin au cours du cycle
végétatif est de 500 mm, ce qui traduit un manque de 225 mm d’eau en
moyenne. Pour pallier cette insuffisance, les paysans ont recours à
l’irrigation, les trois alvéoles étant drainés par des cours d’eau,
permettant de construire des infrastructures et des réseaux
d’irrigation.
25
Étant
donné que la riziculture est la principale activité dans les trois
alvéoles pendant la saison des pluies, les cultivateurs d’orge ont pu
bénéficier de la mise en place des infrastructures hydrauliques depuis
l’Indépendance du pays (1960) jusqu’à nos jours. Le volet projet
hydro-rizicole a pris une place fondamentale dans le cadre de l’ODR1
(Opération de Développement Rizicole : 1983-1989) et l’ODR2 (1990-1996)
pour soutenir la riziculture. À partir de 2000, la gestion et
l’entretien des canaux d’irrigation ont été confiés aux paysans. Ces
derniers sont encouragés à former des associations ou groupements qui
assurent effectivement la gestion des réseaux d’irrigation (AUE :
Association des Usagers de l’Eau). Et bien entendu, les cultures de
contre-saison ont pu bénéficier de la présence de ces infrastructures.
Pour que la culture de l’orge de brasserie soit très productive, la
société Malto assure aussi
l’approvisionnement en semence et en intrants (engrais, insecticides,
etc.) auprès des paysans. Par exemple, la norme préconisée par la
société Malto est de 350 kg de NPK/ha et 100 kg de Dolomie/ha pour une semence de 150 kg/ha.
26
Le
prix de ces produits est fixé au début de chaque campagne, et le
paiement est fait au moment de la livraison de la récolte à la société Malto.
27
La
culture de contre-saison de l’orge apporte une certaine fertilisation
du sol et la culture du riz va profiter de cet engraissement. Il en
résulte que le rendement moyen rizicole est de 4 t/ha (Rakotoarivony,
2004). La double culture annuelle de l’orge et du riz est bien maîtrisée
par les paysans. Après la culture de contre-saison le champ est
travaillé afin de ne pas y trouver des pousses d’orge gênantes pendant
la saison rizicole. La culture de l’orge débute au mois de mai par le
labour, le semis se fait en juin, les sarclages en août et la récolte en
octobre (photo 1).
Photo 1 : Culture d’orge de brasserie à Ilaka centre. Au premier plan culture d’orge, au fond versant périphérique
(Cliché : J. S. Ravalison, 2009)
28
L’orge
a besoin d’eau au cours des deux premières phases de sa croissance,
c’est-à-dire la levée de tallage et la montaison. Pour les deux
dernières phases, la floraison et la maturation, les besoins deviennent
de moins en moins importants. Par contre la maîtrise et la
capitalisation de l’eau nécessitent son utilisation d’une manière
rationnelle pour éviter les excédents ou les déficits. Des hydrauliciens
(envoyés par la société Malto)
rendent régulièrement visite aux paysans pour contrôler et doser la
quantité d’eau dont la plante a besoin. Les canaux d’irrigation hérités
de l’ODR1 et de l’ODR2 permettent d’assurer les besoins en eau. Ainsi la
Société Malto assure l’encadrement technique des paysans.
29
La société Malto,
sise à Antsirabe, travaille avec la brasserie STAR de cette ville. Elle
a été créée par cette dernière en 1981 pour lancer et vulgariser la
culture de l’orge de brasserie afin d’en produire du malt. Elle
transforme l’orge brute en malt qui servira de matière première à la
fabrication de la bière. La société Malto
est une société anonyme dont le principal actionnaire est la STAR, en
raison d’un apport de 75 % de son capital. La STAR est une société
privée fabriquant des boissons et gère, jusqu’à présent, l’unique
brasserie de Madagascar. Elle est le débouché final de toute l’orge de
brasserie vendue par les agriculteurs. Une autre société s’apprête à
ouvrir une deuxième brasserie.
30
Qu’en
est-il de la production ? La société STAR a besoin en moyenne de
6 308 t de malt par an (2005), or la production nationale est estimée à
2 250 t, ce qui oblige la société à importer 4 058 t. Sur les 2 250 t de
production d’orge locale, la société Malto a pu économiser 250 000 Ariary
[1][1] 1 € = 2600 Ariary (2004) ; Ar = Ariary.
(96 €) de devises par tonne, soit 1 014 500 000 Ar (390 000 €) par an.
Le pays Betsileo nord a fourni 620 t (tabl. 2) ; le reste, 1 630 t, a
été produit par la région du Vakinankaratra, située au nord du pays
Betsileo nord. Sur les 620 t, au moins 400 t sont produites par les
trois alvéoles de notre zone d’étude et le reste est fourni par quelques
parcelles éparpillées à travers le pays Betsileo nord.
Tableau 2 - La production d’orge dans le pays Betsileo nord
(Source : Rakotoarivony, 2005)
31
Le rendement/ha enregistre une hausse progressive depuis la mise en pratique de cette culture (tabl. 3).
Tableau 3 - Pluies de mai à octobre 1997-2004 et rendement de l’orge à Ilaka centre
(Sources : auteur, service météorologie Antananarivo, société Malto)
32
L’approvisionnement
en eau de l’orge ayant été maîtrisé, cela explique la hausse
progressive du rendement. Les déficits en eau pendant la saison sèche
sont comblés par l’irrigation par canaux.
33
D’après
le tableau 2, on constate une baisse de la superficie cultivée en orge
de 1997 à 1998, passée de 62 à 34 ha. Le débit des rivières en saison
sèche dépend de l’abondance ou non de la quantité des précipitations
tombées durant la saison pluvieuse précédente. La saison pluvieuse
1996-1997 a été déficitaire avec des précipitations de 50 mm de mai à
octobre et un faible écoulement des rivières. L’irrigation a été
insuffisante d’où le faible rendement avec 2 t/ha. Aussi, découragés par
cette situation, les paysans ont diminué la surface cultivée en orge en
1998.
34
L’intervention de la société Malto
auprès des paysans se fait dans le cadre d’une association ou d’un
regroupement de ménages mais non pas à titre individuel. La mise en
place d’une telle organisation est obligatoire, pour que la distribution
de la semence et des intrants soit confiée à chaque association. Par
conséquent, les membres sont solidairement responsables du paiement de
ces produits lors de la récolte. Une association est constituée de 5 à
12 ménages. Par exemple à Ambohimanjaka, il y a eu 6 associations, à
Ilaka centre 12 et à Ambositra 3, soit approximativement 150 ménages
pour les trois alvéoles, avec une taille moyenne de 7 familles chacune
(pour les trois alvéoles). La surface moyenne cultivée par ménage peut
varier d’une année à une autre, mais en général, elle est de 0,7 ha par
ménage (2005).
35
La
culture de contre-saison de l’orge est très bien adaptée aux conditions
climatiques des bassins d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra.
Les parcelles des terroirs rizicoles de la zone inondable représentent
des champs de culture par excellence de l’orge et occupent presque la
moitié de la superficie de ces terroirs à Ilaka centre et à
Ambohimanjaka. Par contre à Ambositra, la pratique de la culture de
l’orge reste encore à un stade embryonnaire, avec une superficie
approximativement inférieure à 5 ha ; l’insuffisance des infrastructures
d’irrigation constitue un handicap majeur à cette activité.
36
L’orge collectée par la société Malto est traitée dans l’usine de malterie d’Antsirabe. Rappelons que la société Malto
fournit la semence et les intrants nécessaires (insecticides, engrais,
etc.). Les agents de la société viennent sur place pour acheter la
récolte dont le prix unitaire par kilogramme accuse une fluctuation
selon la conjoncture : par exemple, 240 Ar/kg en 1997 contre 370 Ar/kg
en 2004. La société décide du prix en fonction de la variation du prix
d’importation de l’orge de brasserie. À partir de cette situation, on
peut avancer qu’il y a une certaine tendance à la hausse du prix de
l’orge. Après chaque récolte, les paysans doivent acquitter les montants
des fournitures de semence et d’intrants ; la somme restant aux paysans
après les remboursements constitue le bénéfice. Ainsi en 2004, sur une
superficie de 1 ha, les coûts des semences et des intrants s’élevaient à
1 029 700 Ar (396 €), le prix de vente de l’orge à 1 850 000 Ar
(711 €), le bénéfice était donc de 820 300 Ar (315 €).
37
La
pratique de la culture de l’orge de brasserie est très avantageuse pour
les paysans. Le remboursement de toutes les dépenses relatives à l’orge
se fait lors de la récolte. La collecte de la production se fait sur
place sans qu’il y ait des dépenses de transport. La culture de
contre-saison de l’orge de brasserie est aussi très bien adaptée aux
conditions écologiques et climatiques des alvéoles d’Ambohimanjaka,
d’Ilaka centre, et d’Ambositra dans la région d’Amoron’i Mania.
38
Bien sûr, l’assistance technique de la société Malto
et la présence des infrastructures hydrauliques marquent cette activité
surtout pour la gestion de l’eau pendant son cycle végétatif. Les
contraintes climatiques sont maîtrisées, surtout l’approvisionnement en
eau, et il en résulte que le rendement de la récolte a connu une hausse
progressive de 1997 jusqu’à nos jours (de 3 t/ha jusqu’à 5 t/ha) même si
certaines années accusent des déficits de précipitation. Pour les
paysans, la culture de l’orge constitue une activité de contre-saison
très rémunératrice et d’appoint permettant de bien préparer la prochaine
saison culturale. Mais étant donné le volume du tonnage de la
production actuelle, elle reste encore insuffisante pour le besoin de la
société Malto même si elle constitue
une opportunité pour les paysans d’améliorer leurs revenus. Le support
écologique (sol, climat, etc.) étant favorable, une deuxième brasserie
vient d’ouvrir ses portes à Madagascar. La marge d’extension est grande
car l’orge n’entre pas en concurrence avec la culture du blé ni avec
celle de la pomme de terre, cultures bien plus étendues en surface. En
fait la culture de l’orge a pris le relais de celle du blé quand
celle-ci a connu des difficultés vers la fin des années 1980, avec la
fermeture de l’usine de minoterie Kobama
d’Antsirabe. Les nombreux casiers rizicoles aux sols appropriés et
proches d’un cours d’eau à écoulement pérenne pourraient être utilisés
pour la culture d’orge de brasserie. Cependant, un éloignement des
routes carrossables serait une forte contrainte car il rendrait
difficile l’assistance technique et la commercialisation.
39
Une autre plante pourrait être introduite par la société Malto :
le houblon, qui entre aussi dans la fabrication de la bière. Elle
pourrait être adaptée au milieu, comme elle l’a été sur les plateaux
d’Éthiopie, mais elle supposerait un encadrement technique poussé. Cela
achèverait l’intégration nationale et géographique de la filière,
fortement aidée par les conditions naturelles et techniques.
Bibliographie
- Petit M., 1999 - Présentation physique de la grande île de Madagascar. Antananarivo : éd FTM, 307 p.
- Rakotoarivony A., 2005 - Les aspects géographiques des cultures de contre saison de l’orge et du blé dans la Betsileo nord. Antananarivo : Mémoire de maîtrise de Géographie, Université d’Antananarivo, 108 p.
- Raunet M., 1981 - Potentialités écologiques de Madagascar pour la culture de l’orge de brasserie. Montpellier : IRAT, 66 p.
- Ravalison J.-S., 2003 - Les alvéoles du bassin supérieur de la Mania : unités morphologiques et cadres de vie sur les Hautes Terres Centrales de Madagascar. Antananarivo : Thèse de doctorat, Université d’Antananarivo, 276 p.
Notes
[1]
1 € = 2600 Ariary (2004) ; Ar = Ariary.
Résumé
Français
Les conditions topographiques, pédologiques et surtout pluviométriques sont très favorables à la culture de l’orge de brasserie dans les alvéoles d’Ambohimanjaka, d’Ilaka centre et d’Ambositra. La culture est pratiquée pendant la période de contre-saison de mai à septembre sur des parcelles ayant porté du riz en saison des pluies. C’est une période de faibles précipitations, c’est-à-dire 257 mm de pluies recueillies soit 18 % du total annuel. Le cycle végétatif de l’orge exige 500 mm de précipitations. Aussi, pour combler le besoin en eau de l’orge, on pratique l’irrigation, grâce à la présence d’infrastructures hydrauliques locales héritées des projets rizicoles ODR1 et ODR2. L’orge est une culture génératrice de revenus pour les paysans grâce à l’appui technique et aux achats de la société privée Malto. Actuellement, la production nationale d’orge de brasserie ne couvre qu’un tiers de la demande de cette société ; cette culture peut encore s’étendre.
Mots-clés (fr)
English
Favourable conditions to dry season cultivation of malting barley in Amoron’i Mania Region, Central Highlands of MadagascarThe topographic conditions, the soil properties and especially the weather conditions are appropriate conditions for cultivation of malting barley in the basins of Ambohimanjaka, Ilaka centre and Ambositra. This activity occurs during the dry season from May to September, on fields producing rice during the rainy season. The mean of precipitation during this period is 257 mm, or 18 % of the annual rainfall. The vegetative cycle of the barley requires 500 mm of precipitations. Irrigation brings the needed balance through the minor hydraulic works inherited from ODR1 and ODR2 rice cultivation projects. The production of malting barley generates incomes for the population thanks to the technical assistance and purchases from Malto private brewery society. The present national output of malting barley reaches only one third of the society needs ; the crop may be extended.
Mots-clés (en)
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