Bloch, Maurice, 1999 « Commensality and Poisoning », Social Research 66 (1) : 133-149.
Bloch, Maurice,
Bloch, Maurice,
in :
Dousset Laurent, « La sorcellerie en Mélanésie. Élicitation de l’inacceptable», L'Homme
2/2016 (N° 218) , p. 85-115
URL : www.cairn.info/revue-l-homme-2016-2-page-85.htm.
URL : www.cairn.info/revue-l-homme-2016-2-page-85.htm.
Examinons maintenant le
second élément de réflexion : le rapport entre commensalité et
sorcellerie. Au Vanuatu, l’empoisonnement est l’un des moyens d’action
de la sorcellerie de telle sorte qu’il n’y a pas de distinction
terminologique entre empoisonnement et sorcellerie, ou entre
empoisonneur et sorcier. Dans un article sur la commensalité, Maurice
Bloch (1999) note, au sujet des Zafimaniry de Madagascar, que ces derniers sont autant obsédés par le thème de l’empoisonnement que par ceux de l’indivisibilité et de l’unicité (oneness)
du groupe domestique. Chez eux, explique-t-il, ces deux problèmes sont
les deux faces d’une même pièce (voir aussi Geschiere 1995 : 18 ; 2013
et Bonhomme 2005 : 259). Bloch nous rappelle à quel point la nourriture,
avec le partage du même plat, est un opérateur et un conducteur social
puissant. Le partage véhicule et instaure la consubstantialité et la
solidarité organique, la proximité et l’être pareil. Comme la parenté,
le mariage ou la sexualité, elle rapproche les corps. Les familles
Zafimaniry veillent continuellement à rester unifiées par la parenté et
la commensalité. De fait, le manger ensemble est aussi le moyen grâce
auquel les limites de l’unité domestique, du champ de la confiance
peuvent être étendues (Munn 1986 : 13). Mais cela n’est pas sans prendre
de risques, selon Maurice Bloch, car plus un aliment est conducteur de
socialité et donc un moyen d’étendre les limites de l’unité domestique,
plus il devient un support pour le poison. La volonté d’étendre le champ
de la socialité par le partage alimentaire s’accompagne ainsi du risque
potentiel d’être empoisonné, et donc aussi du refus de l’inclusion
recherchée.
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Ces
observations sur les Zafimaniry sont tout à fait valables pour le
Vanuatu. Les réorganisations et restructurations claniques qui ont eu
lieu depuis les nombreuses migrations vers la péninsule, les
interrelations et intermariages entre les unités domestiques sont source
d’incertitudes et d’interrogations au sujet des frontières, si tant est
qu’un jour elles aient été claires. Les questions de l’étendue du champ
social qui relève d’un rapport de confiance, ou de la limite de l’unité
domestique et clanique, sont des préoccupations, voire même des
obsessions, pour reprendre l’expression de Bloch, quotidiennes chez les
habitants de Lamap. Manger en commun, en particulier le laplap
qui est, comme nous l’avons vu, le symbole et la source de l’unité
sociale, est un acte qui fabrique, confirme et renouvelle la
consubstantialité. Inviter un « étranger » à ce repas collectif est une
manière de lui signifier la volonté de partager des corps semblables et
d’installer une certaine proximité. Mais ici également, ce partage, ce
manger ensemble signifie courir le risque de l’effet contraire : la
destruction des corps des semblables par l’ingestion de substances
létales.
Eating young men among the Zafimaniry » in
K. Middleton (ed.),
Ancestors, Power and History in Madagascar,
Leiden, Brill, 1999, pp. 175-190.
pdf dispo étudiants sur #madagascar, à la demande
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