IRÈNE RABENORO. DE L’ESPOIR D’UNE “ECOLE NOUVELLE” EN MAI-1972 À
MADAGASCAR AU DÉSESPOIR ACTUEL DES ÉTUDIANTS
Université d’Antanarivo
“Sekoly vaovao”91, Ecole nouvelle - des mots porteurs d’espoir
pour les jeunes malgaches en 1972. L’enthousiasme était au rendez-
vous et pour cause : on allait construire une école nouvelle, voire une
société nouvelle92 et un système politique nouveau93. Depuis, les
jeunes comme l’ensemble de la population sont allés de déboires en
désillusions: l’école postérieure à 1972 est loin d’avoir réduit les
inégalités qu’ils combattaient, elle semble même plus discriminatoire
encore qu’avant. Actuellement, la moitié des jeunes scolarisés aussi
bien que non instruits est semble-t-il en butte au chômage et au sous-
emploi94 et devient la proie de maintes dérives outrepassant la légalité
et de gens peu scrupuleux95.
A signaler l’emprunt à l’anglais « school » du mot malgache pour «école», dû à
l’introduction de l’école à Madagascar par les missionnaires protestants britanniques
au début du 19e siècle, en même temps que celle de la Bible.
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92 Cf. infra p.17
93 Cf. infra tract 26.
94 Lors du Salon regional de l’emploi et de la jeunesse organisé à Toamasina (premier
port de Madagascar) du 29 au 30 avril 2014, le ministre de l’Emploi, de
l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, Gatien Horace, “et les
autorités régionales et communales ont mesuré davantage l’intérêt de développer des
actions rapides en faveur des jeunes du pays dont la moitié fait face aujourd’hui à la
gravité
du
chômage
et
du
sous-emploi.”
http://www.ilo.org/public/french/region/afpro/antananarivo/ téléchargé le 3 mai
2014.
95 Par exemple, “La situation précaire des jeunes filles peu éduquées ou analphabètes
vivant en milieu urbain fait d’elles une proie facile des agences de recrutement et des
employeurs impliqués dans la traite des êtres humains. Le tourisme sexuel infantile
existe notamment dans les villes cotières et est exarcerbé par la pauvreté des
familles.”, Document UNESCO de programmation pays – Madagascar 2012-2013, janvier
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L’objectif que nous proposons d’atteindre est de voir si, parmi
les idées émises à propos de la réforme de l’enseignement en 1972, on
peut déceler des indices pouvant éclairer sur l’attitude de la majorité
des étudiants actuels et plus généralement, sur la situation actuelle
des universités publiques malgaches. Une limite spatiale sera
observée: il s’agira en particulier de l’Université d’Antananarivo, celle
dont ont émané les cinq autres universités. Notre corpus d’étude sera
constitué de tracts diffusés à l’époque qui auront été sélectionnés en
fonction de notre objectif. Nous y reviendrons, après avoir donné un
aperçu des contours de la question qui nous intéresse.
LA TOILE DE FOND DE L ’OBJET
Il est de bon ton de rendre compte des évènements de mai
1972 en affirmant que «(...) toute la politique de l’éducation était
calquée sur celle de l’ancienne métropole. Et c’est justement cette
inexistence de rupture avec les pratiques coloniales qui porta le
nationalisme malgache à la révolution de mai 1972.” 96 S’ensuit alors le
discours habituel et qui a toujours cours: “C’est alors la mise en place
d’un système éducatif répondant à la politique et à l’idéologie
socialiste. Avec la décentralisation et la malgachisation de
l’enseignement, la IIème république ne fera que réaliser l’aspiration
populaire anti-néocoloniale. Mais ces politiques décevront autant
qu’elles sacrifieront toute une génération de Malgaches.”97 Si de tels
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2012,
p.7-8.
téléchargé le 4 mai 2014.
96 Andrianintsilavo Masoandro Rakotoarimanana, Stephano Carly Rakotozafiniaina,
Tatiana Eddie Razafindravao, Ludonie Velontrasina, L’éducation à Madagascar.
Repenser le système éducatif pour un meilleur devenir, Policy Paper 3, Friedrich Ebert
Stiftung,
novembre
2012,
non
paginé.
télécharg
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propos concernant les effets désastreux de la décentralisation et la
malgachisation de l’enseignement sont sujets à caution98, il est un fait
que l’enthousiasme des années 1970 a fait place au désespoir: les
jeunes, désabusés pour la plupart, figurent parmi les groupes sociaux
les plus touchés99 par la situation de crise actuelle que nous qualifions
de “totale”100. Elle touche en effet tous les aspects de la vie: crise de
société, crise morale, économique, politique, culturelle... Malgré
l’élection d’un nouveau président de la République101 au terme d’un
régime de transition qui aura duré 5 ans, la crise totale est trop
profonde pour être résolue en quelques mois. D’ailleurs – mais il s’agit
d’une hypothèse qui reste à vérifier –, le coup d’Etat de 2009
également appelé “changement anti-constitutionnel” et la crise
En l’absence de toute évaluation, il est difficile d’affirmer quoi que ce soit.
“Des mesures de redressement urgentes en termes de politique de l’emploi (...)
s’imposent pour éviter une génération perdue voire une explosion sociale à
Madagascar”, intervention de Clara Ramaromanana (Bureau de l’OIT à Antananarivo)
à la conférence débat sur la « Situation socio-économique à Madagascar: diagnostic et
piste de solutions”, organisée par la Vice-primature chargée de l’Economie et de
l’Industrie,
Antananarivo,
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28
août
2013.
http://www.ilo.org/public/french/region/afpro/antananarivo/ consulté le 3 mai
2014.
100 Dans une intervention intitulée « L’éducation au service de la nation », nous avons
relaté une anecdote qui donne une idée de l’ampleur du phénomène de perte de
repères: un jeune homme « bien » habillé, qui ne prend pas la peine de garer sa
voiture, qui en descend et fait ses besoins sur le trottoir, en pleine ville, dans la
capitale, en début de soirée. Le plus intéressant à noter est que bien peu de gens
s’émeuvent de tels faits – tsy maninona (qu’importe)!. Atelier organisé par le CRECI,
Faculté des Lettres et Sciences humaines, Université d’Antananarivo, sur le thème « La
nation malgache : construction, déconstruction, reconstruction », 29-30 novembre et
1er décembre 2012, Université d’Antananarivo.
101 Le nouveau président de la République, Hery Rajaonarimampianina, ancien
ministre des Finances du gouvernement de transition, a prêté serment le 25 janvier
2014.
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19
septembre 2013,
conférence-débat
L’enseignement
supérieur à Madagascar,
organisée
par :
“Organization
for Social Science Research in Eastern and Southern Africa »
(OSSREA)
Madagascar,
Université d’Antananarivo.
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Madagascar: Challenges and Opportunities of Higher Education Funding Policies and Programs in Madagascar; Elysette Randriamahenintsoa
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