Article de Revue
...le développement de la mission des capucins d’Alsace à Madagascar (1932-1960) . Thèse présentée pour le doctorat d’Histoire, préparée ......Logiquement, les archives des capucins, à Rome, à Paris, à Madagascar, en Allemagne, en Autriche, sont au cœur de l’enquête ...
Lalao Tsiarify
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L’imbrication du politique et du spirituel à Madagascar : un défi pour la laïcité
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Thèse relativement courte (300 p. de texte), elle a le grand mérite d’être fondée sur des fonds d’archives variés à plusieurs titres. Lalao Tsiarify a en effet consulté des archives publiques et ecclésiastiques, des fonds situés en France, mais aussi en Allemagne, et donc des documents rédigés dans des langues diverses, français et allemand en particulier. Logiquement, les archives des capucins, à Rome, à Paris, à Madagascar, en Allemagne, en Autriche, sont au cœur de l’enquête. Mais l’apport des archives de la Congrégation de la Propagande, des Archives diplomatiques françaises et des Archives de la France d’Outre-Mer est loin d’être négligeable, avec des documents rédigés dans des langues diverses, français et allemand en particulier. Le plan, chronologique, est clair. La thèse s’ouvre avec le remplacement des spiritains par les capucins d’Alsace, séparés de la province de Rhénanie-Westphalie, pour prendre en charge la préfecture apostolique de Mayotte, Nosy-Be et des Comores. C’est l’objet de la première partie, où la mise en contexte est parfois un peu longue, sans être inutile cependant. La deuxième partie est consacrée à la crise complexe des premières années de la mission des capucins à propos des biens de la mission. Tout se mêle et le mérite de l’auteur est grand d’y mettre un peu d’ordre : querelle de congrégations, querelle de personnes, querelle avec les fidèles sur fond de rivalités nationales et d’enjeux internationaux, tensions dans la société locale, intervention des autorités françaises, recours à la curie romaine. La troisième partie prend ses distances avec l’événement pour saisir, sur une trentaine d’années, la mise en place d’une stratégie missionnaire destinée à consolider et développer une chrétienté. Elle se clôt avec l’année 1960, qui voit à la fois l’indépendance de Madagascar, l’arrivée des capucins autrichiens pour aider les capucins français fragilisés par la crise des vocations et à la veille du concile Vatican II qui ne sera pas sans effet sur la vie catholique dans l’île comme ailleurs.
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La problématique aurait peut-être mérité d’être mieux explicitée en introduction. Toutefois, on comprend bien que Lalao Tsiarify souhaite, à travers le cas des capucins alsaciens, se pencher sur la question des relations entre nationalisme et mission chrétienne. L’exemple choisi semble tout à fait pertinent, puisque les religieux sont Français depuis 1918, mais peuvent être considérés comme encore « Allemands » par leurs détracteurs. On peut quand même se demander si de telles accusations tiennent de la conviction ou de la tactique, d’autant que les spiritains sont une congrégation elle aussi très liée à l’Alsace. Lalao Tsiarify offre des pages tout à fait intéressantes sur les enjeux géostratégiques de la mission : la diplomatie française s’inquiète après 1918 d’un « flot de missionnaires allemands », tandis que, du côté opposé, certains voient dans la mission un moyen de maintenir une influence germanique dans les colonies françaises. De même, quand il aborde un problème de juridiction ecclésiastique aussi complexe que celui de la propriété des terrains achetés par les spiritains pour la préfecture apostolique, il met bien en valeur les diverses logiques à l’œuvre et le conflit des intérêts entre congrégations en manque de ressources locales pour financer leurs œuvres.
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Le principal regret exprimé par le jury est que le doctorant reste souvent dans une perspective d’histoire ecclésiastique, et ne prend pas assez en compte le contexte socio-économique malgache. L’île de Nosy-Be et sa population ne sont pas suffisamment présentées y compris pour la cartographie. Ainsi la « richesse » de Nosy-Be est mentionnée à plusieurs reprises, sans suffisamment d’explication sur ses productions agricoles et son commerce. De même, quand Lalao Tsiarify évoque une « population », une « opinion publique » hostile aux capucins on aurait aimé savoir de qui il parle : des colons, des chrétiens, ou de tous les Malgaches ? Autre regret, le tableau des résultats obtenus par la mission souffre d’un certain manque de mise en perspective. Les chiffres bruts de baptêmes ou communion sont peu significatifs, et il aurait fallu au moins évoquer la persistance chez les convertis de comportements liés aux traditions. À sa décharge, Lalao Tsiarify fait observer que les sources sont, en ce domaine, peu fiables, trop générales et qu’il est par exemple difficile de savoir quel espace elles concernent exactement. Les Comores musulmanes ne sont évidemment pas dans la même situation que Nosy-Bé. Mais il aurait sans doute été possible de mieux exploiter et expliciter des notations ponctuelles, pour tenter de faire comprendre le christianisme malgache : allusions aux écoles séparées pour Blancs et Noirs ; critiques des sermons en malgache qui peuvent de manière paradoxale tenir à un désir de promotion chez les « indigènes » (le français est la langue des emplois dans l’administration coloniale).
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Tout au long du travail, on vérifie qu’il n’est pas possible d’isoler le fait religieux du politique et de son environnement socio-économique. Cette thèse en fournit de nombreux exemples en mettant en évidence une dimension souvent méconnue : l’influence de conflits internationaux a priori lointains sur la vie locale. C’est ce qu’illustrent les effets inattendus de la rivalité franco-allemande, apparue dans la région à la fin du xixe s. par la concurrence commerciale, sur la vie religieuse d’une microsociété insulaire du sud-ouest de l’Océan Indien.
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