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Riana”, Pascale Moignoux
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Mémoires d’outre-tombe
CLICANOO.COM Publié le 1er juin 2009
Dans son tout nouveau roman, “Riana”, Pascale Moignoux ressuscite l’histoire des petits princes malgaches exilés chez les Jésuites, dans les hauts de Sainte-Marie. Nombre d’entre eux ont été enterrés en toute discrétion au cimetière de la Ressource au XIXème siècle. L’auteur espère contribuer à leur réhabilitation.
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Un petit carré de pelouse et un arbre du voyageur. Etrange, cette sépulture sans nom séparée par une haie des 27 tombes des frères jésuites. Le cimetière de La Ressource, dans les hauts de Sainte-Marie, est muet comme une tombe. Pascale Moignoux, écrivain, a décidé de le faire parler. Elle vient de faire paraître aux éditions Azalées son second roman, “Riana, le roman d’une enfance exilée”. Ou peut-être celui d’une enfance exhumée. C’est sur ce site classé aux monuments historiques que se déroule l’essentiel de son second roman. Comme dans le précédent, “Graine de bagnard, le roman d’une enfance sacrifiée à l’îlet-à-Guillaume”, le livre dénonce une injustice historique. Au XIXème siècle, nombre d’enfants malgaches de bonne famille quittent la Grande-Ile pour gagner nos côtes. Direction le domaine de la Ressource, dans les hauts de Sainte-marie. Là, les frères de la Compagnie de Jésus vont se charger de leur éducation. Entre 1847 et 1872, ils sont plus de 600 petits princes et petites princesses malgaches à avoir vécu la même expérience. Une expérience qui sera fatale pour nombre d’entre eux. Le petit carré de pelouse orné d’un ravenale leur est dédié. Mais qui peut le savoir ? Sur place, Pascale Moignoux s’indigne : “Les Malgaches ont un rapport très fort à la terre et ici, pour eux, il n’y a rien. Ça me révolte ces cimetières laissés sans reconnaissance. Je ne sais pas si cela changera quelque chose, mais ce livre a été écrit pour les sortir de l’oubli.” Pour raconter leur histoire, l’auteur a choisi une narration à deux voix, suivant des chronologies inversées. A travers Onésime et Riana, c’est tout le domaine de la Ressource qui revit et le double-jeu des missionnaires jésuites qui apparaît... C’est d’ailleurs auprès de l’un d’entre eux, le père Théophile Hansen, Luxembourgeois de 95 ans ayant vécu plus de trente ans à Madagascar, qu’elle trouve une aide précieuse. La Réunion a alors des visées coloniales sur Madagascar. Mais la Grande-Ile, tenue d’une main de fer par la reine Ranavalona la Sanglante, n’est guère accueillante aux ressortissants étrangers.
“Des enfants-instruments au service du pouvoir religieux”
Les jésuites comme les anglicans optent pour l’entrisme et instrumentalisent ces innocents. Ils ne sont pas choisis au hasard. L’objectif est d’approcher les centres de pouvoir. “Le but, explique la romancière, était soit de faire de ces enfants des prêtres ou des soeurs ou bien d’en faire des instruments au service du pouvoir religieux catholique en mariant ces jeunes gens entre eux avant de les renvoyer en compagnie d’un évangélisateur à Nosy Be ou Sainte-Marie.” Le projet sera un échec cuisant. “C’était un projet d’intellectuels et de célibataires, commente-t-elle. Chacun est rentré chez soi.” Mais dans l’Histoire, rien n’est blanc, rien n’est noir. “Il fallait du courage pour entrer en terre malgache sous le règne de la Sanguinaire. J’ai une sacrée admiration pour leur culot et leur force de conviction, même si leur projet était voué à l’échec.” En revanche, l’auteur est tombée des nues lorsqu’elle a découvert le conditions de vies des jeunes filles au sein de l’établissement de Nazareth, tenu pas les soeurs de Saint-Joseph-de-Cluny. “Ce n’était ni une colonie de vacances, ni un camp de concentration”, souligne-t-elle. Mais les conditions de vie étaient rudes et les maladies pulmonaires fréquentes. “L’écriture a été beaucoup plus facile que pour Graine de bagnard, confie l’écrivain. Beaucoup de choses avaient déjà été étudiées. Il ne m’a fallu que 12 mois de recherche contre 18 pour mon précédent ouvrage.” Trois jets et six mois plus tard, l’ouvrage édité à 1500 exemplaires est désormais disponible. Plus en confiance, l’auteur s’est détachée de son mentor, Daniel Vaxelaire, pour ce nouvel opus. Elle a même pris la liberté d’illustrer son histoire de quelques dessins à l’encre de Chine. Pour elle, ce roman est un “point de départ et surtout pas un aboutissement”. Pascale Moignoux espère que son roman servira à réhabiliter le site du cimetière malgache de la Ressource
Yoann Guilloux
“Riana, roman d’une enfance exilée à Sainte-Marie de La Réunion”, de Pascale Moignoux, éditions Azalées.
Le domaine de la Ressource au fil du temps
Converti en centre pour aveugles et malentendants depuis 1957, le centre de la Ressource fut concédé aux Jésuites par Charles Desbassyns. Quinze hectares situés à 300m d’altitude entre la ravine des Figues et la ravine de la Mare. L’école d’arts et métiers destinée à accueillir les jeunes malgaches sort de terre en 1847. Les premiers enfants arrivent à la Réunion la même année et logent provisoirement au Butor. Ils seront transférés définitivement à la Ressource en 1848. Ce centre instruisait et éduquait (voire formatait) des jeunes garçons et filles malgaches, enfants de rois, de princes ou de grands chefs dans leur pays, dans le but avoué de réimplanter dans la Grande-Ile une élite de “décideurs politiques” favorables à la Compagnie de Jésus, donc à l’empire français. En 1864, le Père Cazet, Supérieur général de la mission de Bourbon, avance les chiffres suivants quant aux effectifs et aux décès : 377 garçons et 163 filles ont été inscrits sur les listes depuis l’ouverture des deux établissements (Nazareth pour les filles et la Ressource pour les garçons). Entre 1850 et 1859, 70 décès ont été recensés chez les filles. Fin 1864, Cazet chiffre à 84 le nombre d’enfants morts durant leur séjour et ajoute : “sans parler de ceux qui, en assez grand nombre, ont quitté la Ressource ou Nazareth, pour cause de santé et sont allés mourir dans leur pays”. L’établissement fermera ses portes en 1872. Après avoir été racheté par Ombline de Villèle en 1897, le domaine est repris par les pères du Saint-Esprit en 1947. Dix ans plus tard, les soeurs de Marie Immaculée de Marseille en font ce qu’il est aujourd’hui.
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