mercredi 26 août 2015

Sarah B. Buchanan When Image Meets Magic: Learning to See in Raymond Rajaonarivelo's Quand les étoiles rencontrent la mer --Research in African Literatures Vol. 46, No. 3 (Fall 2015), pp. 190-213

http://www.jstor.org/stable/10.2979/reseafrilite.46.3.190?seq=1#page_scan_tab_contents

Abstract

ABSTRACT This article analyzes Quand les étoiles rencontrent la mer (1996), a Malagasy film by Raymond Rajaonarivelo. Using anthropological studies of spiritual beliefs in Madagascar, film theory, and information from field work and interviews, I examine how Rajaonarivelo interweaves ideas of magic and image in this film to create an esthetically sophisticated and socially engaged text that challenges the Malagasy practice of killing children born on “evil” days. I argue that the protagonist, Kapila, undergoes an initiation that teaches him how to see the magical forces affecting him and that he ultimately learns to escape the gods' control over his life. This article further asserts that the battle between free will and destiny in Quand les étoiles rencontrent la mer becomes a battle against filmic representation. As Rajaonarivelo inserts himself into his own deixis, Kapila's battle becomes a fight over his cinematic image, against the writer-director who, like the gods, manipulates the direction and meaning of his life.

lundi 24 août 2015

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Ranaivo Rabetokotany, Nelly C. / Atelier national de reproduction des thèses / 2015Résumé
Matériel audio-visuel3.
[s.n.] / 2015
Matériel audio-visuel4.
[s.n.] / 2015
Thèses (version de soutenance)5.
Radanielina, Ranaivoson (1988-) / [s.n.] / 2015Résumé
Livres6.
Brepols / 2015, cop. 2015
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Roch, Maya / [s.n.] / 2015
Thèses (version de soutenance)8.
Picarelli, Anaïs (1988-....) / [s.n.] / 2015
Livres9.
Charnay, Désiré (1828-1915) / Découvrance / 2015, cop. 2015
Livres10.
Presses de l'Université du Québec / DL 2015, cop. 2015

mardi 18 août 2015

Courtin Nicolas Du gouvernement royal des Hauts plateaux à l’État colonial français L’émergence de dispositifs de polices à Madagascar

 http://chs.revues.org/1290
 
 

Perrine Burnod , Katy Medernach : Interrelations entre agro-industrie et agricultures familiales vues par le prisme du système agraire

http://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0,5&q=%22Perrine+Burnod%22&scisbd=1

https://drive.google.com/file/d/0B28LIEw6t7gtUXRPbVlTbGVZUkk/view?usp=sharing
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http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-les-nouveaux-visages-de-l-agriculture-44-quand-la-finance-investit-dans-la-te
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 https://goo.gl/uB69HZ
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 https://goo.gl/hRnGnF



Les dynamiques d’appropriation foncières s’intensifient depuis le début des années 2000 (Deininger et al., 2011 ; HLPE, 2011 ; Anseeuw et al., 2012). À Madagascar, comme sur le continent africain, les entreprises agricoles optent le plus fréquemment pour le développement de grandes plantations en régie (Andrianirina Rastialonana et al., 2010). Elles accèdent – ou souhaitent accéder – à la terre par voie de bail pris auprès de l’État (Burnod et al., 2013a et b). Elles visent des superficies allant de 5 000 à 100 000 hectares et, dans bien des cas, espèrent construire et approvisionner des usines de transformation (huile, sucre, éthanol).
Beaucoup d’études mentionnent la diversité des effets de ces nouveaux investissements agricoles sur les populations locales (Deininger et al., 2011, HLPE, 2011 ; Anseeuw et al., 2012 ; Borras et Franco, 2012 ; White et al., 2012). Elles s’accordent sur la nature des impacts mais peu les analysent et les quantifient précisément. Ce faible traitement découle du caractère récent, voire de l’abandon, de ces projets d’exploitation à grande échelle1. Il résulte également de la priorité donnée par les chercheurs à la qualification et à l’analyse des stratégies des entreprises, des politiques et pratiques des États ou des réactions de la société civile vis-à-vis de ces investissements.
Les études de cas sur les impacts de l’installation d’entreprises agricoles, encore en nombre limité à notre connaissance, se basent sur des indicateurs de la sécurité alimentaire, sur l’approche « livelihoods » (DFID, 1999) ou sur une analyse des activités et revenus des ménages. Ces études se construisent sur des approches quantitatives (Barron et Rello, 2000 ; Maertens et Swinnen, 2009 ; Rist et al., 2010 ; Schoneveld et al., 2011) ou qualitatives (Kenney Lazar, 2012), parfois couplées à des entretiens plus systématiques auprès des ménages (MacCarthy, 2010 ; Adamczewski et al., 2013 ; Clerc, 2013). Même si elles s’en approchent, peu d’études de cas utilisent l’analyse connue en France sous le label de « diagnostic agraire2».
Outil de compréhension du fonctionnement d’une société agraire (Mazoyer et Roudard, 1997) et d’articulation de différentes échelles d’analyse3, le diagnostic agraire peut être mobilisé dans le cadre d’évaluation d’impacts de projets de développement agricoles (Delarue, 2007). Dans une perspective méthodologique, cet article expose, en s’appuyant sur une étude de cas menée à Madagascar (Medernach, 2011 ; Medernach et Burnod, 2013), l’intérêt et les limites d’une approche de diagnostic agraire pour étudier les impacts associés à l’implantation de grandes entreprises agricoles sur les populations locales. L’accent est mis ici sur les effets socio-économiques, ceux sur les pratiques agricoles et pastorales locales étant développés par ailleurs (Medernach, 2011).
À Madagascar, dans le secteur du Jatropha curcas, plus des trois quarts des investisseurs ont arrêté leurs démarches d’installation principalement faute d’expérience, de capital et de réalisme de leur projet (Burnod et al., 2013a). L’étude de cas s’est intéressée à une des rares entreprises encore active dans ce secteur. Cette dernière, JT4, d’origine européenne et présente depuis 2008 à Madagascar, avait le projet de développer 30 000 hectares de jatropha. Au moment des enquêtes (2011), elle n’avait mis en culture qu’environ 200 ha et revu son objectif total à 5 000 ha.
Initiée par l’équipe « Observatoire du Foncier » et le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad), cette étude de cas a été approfondie grâce à un travail de terrain de cinq mois mené par Katy Medernach et Heriniaina Rakotomalala. Elle s’est basée sur 150 entretiens uniques et 50 entretiens répétés auprès de ménages agricoles ou de représentants d’autorités locales (Medernach, 2011).

Le système agraire de Mivili

Une approche historique du système agraire permet de retracer l’évolution des paysages et des catégories de ménages ruraux qui les valorisent (Ferraton et Touzard, 2009). Complétée par une analyse de l’accès au foncier (Colin, 2004), cette approche permet d’avoir une première vision de l’ancrage spatial des systèmes de production, de la diversité des acteurs et, surtout, des liens entre eux, des règles d’accès et d’usage des ressources, et des faisceaux de droits fonciers détenus ou revendiqués. Cette approche diachronique – alimentée tout au long du travail de terrain et confirmée par des travaux bibliographique – permet de reconstruire la situation avant l’arrivée de l’entreprise.
La zone étudiée, Mivili, est située dans le nord-ouest de Madagascar. De manière simplifiée et schématique, deux groupes d’intérêts sont présents à Mivili. Les premiers sont les éleveurs sakalava5. Ils s’installent au début du 19e siècle pour valoriser les vastes surfaces de Mivili par l’élevage bovin extensif. Premiers occupants de la zone, ils obtiennent le statut de tompontany (littéralement maître de la terre). Les seconds sont les agriculteurs betsileo. Ils s’installent au milieu du 20e siècle pour mettre en culture des bas-fonds en rizières, dans un mouvement d’extension du front agricole. Ainsi, dans la situation actuelle, les Sakalava se considèrent comme propriétaires du territoire et comme les seuls à pouvoir en contrôler l’accès ; les Betsileo n’ont pas ce même statut de tompontany6 mais peuvent décider des lieux à mettre en valeur – tant qu’ils honorent au préalable les ancêtres sakalava – et transmettre, vendre ou louer ces terres (Medernach et Burnod, 2013).
Ensuite, l’analyse de l’emprise foncière actuelle et prévisionnelle de l’entreprise permet de cerner le contour du territoire à étudier et d’identifier l’ensemble des acteurs, directement ou indirectement touchés. Limitée au départ aux villages à proximité de la zone d’exploitation de l’entreprise, majoritairement betsileo, l’étude s’est progressivement étendue aux villages sakalava, situés à plus d’une dizaine de kilomètres. L’analyse de l’ancrage spatial des systèmes de production, initialement développé pour saisir les concurrences d’usages entre les ménages et l’entreprise, a aussi aidé à comprendre les concurrences d’usages entre les différents types d’agricultures familiales.
À l’instar d’autres territoires de l’ouest malgache (Sautter, 1980 ; Faurroux, 1997 ; Jacquier-Dubourdieu, 2002) et face à la fermeture des espaces par la riziculture, les Sakalava marquent à Mivili leur ancrage territorial et créent un immense pâturage collectif et lignager appelé « grand kijana » pour l’élevage extensif de bovins7 (50 à 300 zébus par propriétaire). Ce pâturage est entouré de villages et de rizières sakalava (au sud-est) et betsileo (à l’ouest) (figure 1). Les Bestileo, majoritairement riziculteurs (1 à 4 ha par exploitation), pratiquent aussi de l’élevage bovin à proximité de leurs villages (5 à 15 zébus pour les exploitations les plus aisées) (tableau 1). Malgré cette répartition spatiale, les activités de ces différents villages entrent en concurrence sur les marges : les bovins sakalava, laissés en divagation sur le grand kijana, ravagent parfois les cultures des villages betsileo ; les Betsileo, au fur et à mesure que des nouveaux membres de la famille les rejoignent, repoussent le front agricole sur les bas-fonds, au sein des pâturages sakalava (Medernach et Burnod, 2013).

Installation de l’entreprise et impacts fonciers

En mobilisant de grandes superficies foncières, l’implantation des entreprises peut générer l’éviction des détenteurs de droits locaux. Dans de nombreux pays du Sud, l’immatriculation de la terre au nom de l’État et sa cession aux investisseurs transforment les occupants, propriétaires au regard des règles foncières locales, en squatters (Alden-Wily, 2012). Quand bien même les lois nationales protègent les détenteurs de droits locaux – cas de Madagascar depuis la réforme foncière de 2005 – ces dernières sont peu respectées lors des processus d’affectation des terres aux investisseurs (Burnod et al., 2013a et b). Néanmoins, les impacts en termes d’exclusion ne sont pas les mêmes selon les catégories d’acteurs locaux. De plus, les effets ne se traduisent pas uniquement sur les modalités d’accès à la terre, mais également sur les modalités du contrôle de cet accès (Ribot et Peluso, 2003).
La compréhension du fonctionnement du système agraire couplée à une analyse de l’accès au foncier permet, au-delà de l’identification des titulaires et des droits détenus, de cerner les caractéristiques de leurs situations, leurs intérêts et contraintes8, et ce faisant, de mieux comprendre leur positionnement dans le processus de négociation avec l’entreprise.
À Mivili, celle-ci, guidée par le maire, consulte les quatre villages, tous betsileo, à proximité de la zone identifiée pour l’implantation des bâtiments et des premières parcelles. Elle est positivement accueillie par les chefs de ces villages et une partie des villageois, qui espèrent bénéficier des emplois, des infrastructures annoncées (puits, réseau électrique, école) et, surtout, grâce aux plantations de jatropha, d’une protection naturelle contre le bétail des Sakavala (Medernach, 2011). L’entreprise démarre sur des parcelles effectivement mises à disposition par leurs propriétaires, mais étend ses plantations sans se préoccuper de l’identité des usagers et propriétaires.
Suite à la mise en culture de 236 ha9, des agriculteurs betsileo perdent l’usage de la terre. Les quelques grands propriétaires, majoritairement éleveurs, qui s’étaient engagés à céder leurs terres sont contraints à rapprocher leur zone de pâturage des villages et modifier leurs pratiques d’élevage (Medernach, 2011). D’autres propriétaires betsileo ont vu leurs terres occupées, sans leur autorisation préalable, et voient leurs réserves foncières ou leurs zones de pâturage réduites. Mais ce sont surtout les propriétaires sakalava, ni informés ni consultés par l’entreprise, qui perdent l’usage d’une partie de leur grand kijana, et dans le même mouvement, leur autorité sur l’allocation des terres (figure 2). Ceci est source de conflit. Constatant le développement des plantations sur leur zone de pâtures, les grands propriétaires de bovins sakalava ont mandaté des villageois pour attaquer le principal chef de village betsileo, brûler plusieurs maisons et voler plusieurs dizaines de zébus (Medernach, 2011). Leur objectif est de réaffirmer leur autorité de propriétaires ancestraux de la terre et de rappeler aux betsileo qu’ils ne disposent que d’une maîtrise foncière secondaire et qu’ils ne peuvent pas, en s’appuyant sur un opérateur extérieur, tenter de contrôler l’accès au territoire (Burnod et al., 2013a et b). Enfin, bestileo et sakalava perdent le contrôle et l’usage de la terre d’un point de vue légal. La terre est titrée au nom de l’État et cédée en bail à l’entreprise. Les droits fonciers des propriétaires coutumiers, pourtant légalement reconnus depuis la loi foncière de 2005 – sauf dans le cas des pâturages extensifs – sont niés.
Dans le cas étudié, comme observé dans d’autres contextes (Borras et Franco, 2012 ; German et al., 2011), l’investisseur malgré sa motivation à localiser le processus de négociation à l’échelle locale, ne peut saisir la complexité des relations sociales caractérisant le territoire et la diversité des entités pouvant en revendiquer le contrôle (maire, chefs de fokontany, chefs traditionnels sakalava, élites, etc.) (Burnod et al., 2013b). L’approche couplée système agraire et accès au foncier permet d’identifier certaines catégories d’acteurs peu visibles ou géographiquement éloignés du site d’installation de l’entreprise (éleveurs transhumants, propriétaires urbains, etc.), mais déterminantes dans la gouvernance foncière locale ou potentiellement affectées par l’installation de cette entreprise.

Effets sur l’emploi local et l’allocation de la main-d’œuvre

Les promesses des entreprises en termes de nombre d’emplois créés sont rarement tenues (Deininger et al., 2011 ; Li, 2011 ; Anseeuw et al., 2012). En 2011, l’entreprise européenne JT a revu à la baisse ses objectifs de plantation (5 000 ha) et, ce faisant, ses prévisions d’emploi. L’étude technico-économique du système de production de l’entreprise a permis de quantifier les emplois créés et de faire des hypothèses sur leur évolution. Avec à l’heure actuelle 160 emplois saisonniers10 et une trentaine de postes permanents pour 230 hectares de jatropha, l’entreprise pourrait employer 350 à 600 équivalents travailleurs à plein temps (ETPT) pour 1 000 ha de culture en phase de production (Medernach, 2011). Ces chiffres sont relativement élevés au regard des besoins en main-d’œuvre d’autres cultures11 et de l’estimation d’un millier d’actifs résidant dans les alentours. L’entreprise a d’ores et déjà activé un marché du travail au niveau local et pourrait créer à terme – sans recours futur à la mécanisation de la plantation et de la récolte – un véritable bassin d’emploi. Par ailleurs, bien que limité, ce nouveau marché local a modifié le contenu et la fréquence des relations d’entraide villageoises12 (Medernach et Burnod, 2013).
Toujours dans l’optique de saisir les effets réels pour les populations locales, le diagnostic agraire permet d’analyser le profil de ces travailleurs et leur logique de recours à l’emploi. Dans de nombreux cas, les emplois créés dans les agro-industries attirent avant tout la tranche la plus pauvre de la population (Barron et Rello, 2000 ; McCulloch et Ota, 2002 ; Ortiz, 2002 ; Maertens et Swinnen, 2009), souvent immigrée, qui, sans alternatives de revenus, offre aux employeurs le plus de flexibilité en termes d’horaires comme de respect des législations (Johnson, 2007 ; Li, 2011).
À Mivili, dans un contexte très local d’absence de marché du travail et de besoins monétaires (revenu journalier proposé égal à 3 500 MGA - 1,20 €), les emplois pourraient apparaître attractifs. L’analyse des activités, calendrier de travail et des revenus des ménages – éléments constitutifs du diagnostic agraire – permet de relativiser cette attractivité. Globalement, tous les Betsileo cherchent à s’employer auprès de l’entreprise en saison sèche ; période de moindre charge en travail au niveau de leur exploitation et, auparavant, d’émigration temporaire en tant que saisonniers vers Marovoay (figure 2).
Mais la superposition des calendriers de travail des ménages d’un côté, et de l’entreprise de l’autre, montre que celle-ci embauche principalement, à la fois pour l’installation des plantations (figure 3, année 1 et 2) et pour les travaux prévisionnels de récolte du jatropha (idem, année 5), en saison de culture du riz (décembre à juin). Pendant cette période, dans une stratégie de gestion des risques et de maintien des réseaux sociaux, les Betsileo jugent que le travail dans les rizières est prioritaire car il leur permet de gagner plus13, d’assurer l’autoconsommation et de remplir leurs obligations familiales (dons de riz, entraide en travail, etc.). Ce sont donc surtout les ménages qui ont peu de terres et qui sont les plus pauvres, qu’ils soient migrants ou autochtones, qui sont recrutés. Pour ces derniers, le choix de vendre sa force de travail résulte d’une véritable comparaison de la rentabilité des activités : préférence pour le salariat en comparaison avec l’artisanat ou la production de brèdes14 (cas des femmes notamment), mais préférence pour la riziculture au détriment du salariat. Contrairement à ses engagements initiaux, l’entreprise commence alors à donner la priorité à la main-d’œuvre immigrée pour sa plus forte disponibilité et le moindre investissement à réaliser en termes de recrutement, formation et suivi.

Distribution des impacts

Le diagnostic agraire permet d’évaluer pertes et bénéfices par type d’acteurs. À Mivili, les migrants et plus petits agriculteurs ont bénéficié des opportunités économiques créées par l’entreprise (emplois et versements monétaires supérieurs dans le cadre des relations de travail auprès de leurs voisins). Par ailleurs, les Betstileo à la tête des grandes exploitations sont perdants : ils sont contraints de dépenser plus pour accéder à la main-d’œuvre, ils s’engagent rarement comme journaliers pour l’entreprise et ont perdu l’accès aux pâtures de proximité (figure 1). De même, les grands éleveurs sakalava, perdants en termes d’accès au foncier, sont indifférents aux emplois créés du fait de leur éloignement et du faible intérêt financier comparé à l’élevage15.
Le diagnostic permet de prendre en compte l’évolution éventuelle des revenus agricoles et extra-agricoles (arrêt d’activités, augmentation du salariat, etc.), mais aussi d’évaluer les modifications associées aux productions d’autoconsommation. Tandis que les ménages plus aisés ont perdu pour la production du riz entre 5 à 15% de leur profit du fait des dépenses supplémentaires exigées par la main-d’œuvre16, les petits agriculteurs (figure 1) ont pu augmenter leurs revenus grâce aux emplois de l’entreprise (+ 24% en 201117). De plus, le diagnostic agraire offre la possibilité de comparer la situation des ménages par rapport à une situation alternative « sans entreprise ». Dans un scénario de salariat saisonnier à Marovoay, ces mêmes agriculteurs peu dotés auraient pu bénéficier d’une augmentation de 23% de leurs revenus18 – un gain similaire, impliquant néanmoins une émigration temporaire.
Le diagnostic permet également de discuter des impacts sur la réduction de la pauvreté. Le développement du marché du travail local peut contribuer à une augmentation du revenu des plus pauvres (Maertens et Swinnen, 2009). Mais cette augmentation, à Mivili comme ailleurs, peut être insuffisante pour permettre une éventuelle sortie de la pauvreté (Barron et Rello, 2000 ; Li, 2011) et paraît faible par rapport à d’autres perspectives de développement. Les agriculteurs de Mivili gagneraient plus en cultivant un hectare de riz supplémentaire (entre 0,75 et 1,5 millions de MGA par ha pour 115 jours de travail) qu’en travaillant à plein temps pour l’entreprise (1,1 millions de MGA pour 312 jours) – mais il existe pour les deux options d’autres risques (agricoles/ne pas être embauché) et avantages (autosuffisance alimentaire/accès à des liquidités en période de soudure)19.
Enfin, le diagnostic agraire permet d’analyser les différents systèmes agricoles en termes d’efficience (comparaison des performances des exploitations sur la base de la richesse créée en totalité, par hectare ou par actif) et d’équité (analyse de la distribution de la valeur ajoutée entre les parties prenantes) (Cochet et Merlet, 2011). Si le premier indicateur permet de réfléchir à une valorisation optimale de la terre et des ressources, le deuxième permet de compléter l’analyse des effets d’entreprises agro-industrielles sur le développement économique local. Comme observé dans différents cas à travers le monde (Cochet et Merlet, 2011 ; Li, 2011 ; Cramb et Ferraro, 2012), les loyers en échange de l’accès au foncier sont souvent très faibles ou inexistants et les salaires pour les ouvriers locaux très bas. Ces conditions rendent les investissements rentables pour les actionnaires mais entraînent, en plus d’un écart important entre la rémunération du capital et celle du travail, un différentiel fort entre la valeur ajoutée demeurant au niveau local (salaires, loyers, etc.) et celle qui est « exportée » du territoire (détendeurs de capital nationaux ou étrangers). Faute de données robustes pour le jatropha en phase productive, ces calculs ne seront pas exposés ici pour le cas de Mivili (Medernach, 2011).

Conclusion

Finalement, quel peut être l’intérêt de mobiliser le diagnostic agraire pour étudier les impacts des changements structurels de l’agriculture à l’échelle des ménages? Cet outil, exigeant en temps et en productions de données sur le terrain, offre la possibilité de conduire une étude systémique (interrelations des facteurs et des changements) et de sortir d’une vision homogène des populations locales.
Le diagnostic agraire permet de cerner les catégories d’exploitations, de saisir la distribution des gains et des risques pour les différents groupes d’acteurs et, de ce fait, leur positionnement par rapport à l’entreprise et leurs opportunités d’améliorer ou non leurs conditions de vie. À Mivili, l’impact est positif par la création d’emploi, surtout pour les ménages les plus pauvres, et négatif à travers la concurrence d’accès aux ressources, en défaveur surtout des ménages plus aisés. Le diagnostic agraire permet aussi de mesurer certains impacts (évolution des revenus, superficies productives perdues, etc.), mais pas forcément de quantifier l’ensemble d’entre eux (comparaison du nombre de ménages qui perdent l’accès à la terre avec le nombre de ceux qui gagnent un emploi, richesse locale créée et perdue, etc.). Pour plus de représentativité, prolonger le diagnostic par un jeu d’enquêtes plus systématiques auprès des ménages et sur un plus large échantillon apparaît nécessaire.
Le diagnostic agraire, basé sur une vision dynamique de l’agriculture et des trajectoires des ménages, permet de rappeler que l’entrée d’une entreprise agricole dans un contexte local peut renforcer des dynamiques agraires en cours (tensions sur le contrôle de l’accès à la terre, transition des relations de travail du registre de l’entraide à celui du marché), réveiller des tensions (entre éleveurs sakalava et agriculteurs betsileo), et/ou créer des déséquilibres dans les rapports socio-économiques et politiques existants (fragilisation du pouvoir économique et politique détenu par les éleveurs sakalava).
Le diagnostic agraire seul ne permet pas en tant que tel de décrypter l’ensemble des enjeux et tensions foncières. Associé à une approche mettant l’accent sur la dimension foncière et les relations entre acteurs (Colin, 2004), il permet de mieux comprendre les enjeux de la négociation pour l’accès au foncier, les positionnements des différentes parties et des éléments à la source des conflits (ces derniers étant rarement strictement fonciers). Le diagnostic doit de plus être couplé plus largement à une analyse des logiques et stratégies d’acteurs qui n’appartiennent pas forcément au territoire (administrations, entités politiques, organisations ou syndicats paysans, opérateurs de développement, etc.), mais qui influent sur et participent plus ou moins directement à la gouvernance locale.
Les apports de cette méthodologie, diagnostic agraire et approche foncière, pourraient ainsi être valorisés avant toute installation de projet agro-industriel pour identifier les acteurs qui sont concernés par la négociation foncière, analyser les effets potentiels de ce développement, mettre en débat ces informations auprès des différentes parties prenantes (investisseur, décideurs publics, groupes locaux, société civile) et apporter l’information nécessaire sur les lois et outils juridiques existants. En amont, les résultats du diagnostic peuvent également venir interroger les politiques agricoles sur l’efficience et l’équité sociale et spatiale du développement d’entreprises à grande échelle relativement à d’autres alternatives de développement (agriculture familiale indépendante, agriculture contractuelle, etc.).



1 À Madagascar, en 2011, plus de 60% des investisseurs ont abandonné leur projet ; au niveau mondial, seuls 25% ont effectivement réalisé des opérations agricoles (Anseeuw et al., 2012).

2 Le diagnostic agraire est une approche méthodologique qui mobilise le concept de système agraire. Ce dernier est « l’expression théorique d’un type d’agriculture historiquement constitué et géographiquement localisé, composé d’un écosystème cultivé caractéristique et d’un système social productif défini » (Mazoyer et Roudard, 1997).

3 Grâce aux concepts emboîtés de systêmes agraire, de production, de culture et d’élevage (Badouin, 1987 ; Mazoyer et Roudard, 1997).

4 Pour respecter l’anonymat de l’entreprise, son nom et celui des localités ont été changés.

5 Sakalava et Betsileo sont des groupes socio-culturels de Madagascar. Par souci de simplification et du fait de l’origine sakalava et betsileo des familles fondatrices des villages en question, et de leur présence en majorité dans ces villages, nous parlerons de Sakalava ou Betsileo même si cela ne correspond pas à la totalité des habitants.

6 Les terres de leurs propres ancêtres sont toujours dans leur village d’origine en pays betstileo, dans lesquels ils continuent d’organiser leurs funérailles.

7 Kijana signifie pâturages en malgache. Les zébus ne sont regroupés et comptés qu’une fois par semaine. Craignant la présence humaine, à l’exception de celle du bouvier, ils évitent de se rapprocher des villages. Ceci permet aussi la sécurisation de l’élevage contre les voleurs de zébus, menace majeure dans la région.

8 Activités rémunératrices, leur besoin ou non d’emplois, leur accès aux infrastructures, etc.

9 L’emprise de l’entreprise est encore trop réduite au moment de l’étude pour que cela ait des impacts sur les marchés fonciers ou la distribution des terres en intrafamilial.

10 Sur une durée de 3 à 6 mois.

11 350 ETPT pour 1 000 ha de palmier en huile en Indonésie ou de canne à sucre récolté mécaniquement au Mozambique, contre 10 ETPT pour 10 000 ha de maïs entièrement mécanisés (Deininger et al., 2011).

12 L’entreprise a augmenté les coûts d’opportunité des travailleurs locaux qui réclament à présent aux proches chez qui ils vont travailler, un don d’argent similaire en valeur à un salaire (environ 3 500 ariary malgache [MGA] – 1,20 euros).

13 Les revenus issus du riz varient de 6 500 à 12 500 MGA par jour de travail, soit près de 2 à 4 fois plus que le salariat (Medernach, 2011).

14 Artisanat et brèdes génèrent respectivement un profit journalier inférieur au salaire de l’entreprise (respectivement 2 300 MGA et 1 100 MGA contre 3 500 MGA) ce qui a amené certaines femmes à abandonner ces activités. La production de brèdes est devenue d’autant moins attractive que la fumure (fumier des parcs à zébus) est devenue payante depuis l’arrivée de la compagnie, forte consommatrice d’intrants.

15 Les éleveurs sakalava ont en général des revenus beaucoup plus élevés que les autres ruraux (Medernach, 2011).

16 Coûts additionnels pour la production de riz de 50 000 à 100 000 MGA par ha.

17 Pour un travail de 5 mois par an chez JT.

18 Les salaires à Marovoay ont augmenté jusqu’à 4 000 MGA par journée en 2011 et certains immigrés y sont repartis.

19 Avoir de nouvelles des terres constitue bien un élément clé des stratégies paysannes locales. L’espoir d’accéder à de nouvelles terres dans les bas-fonds non cultivés en jatropha par l’entreprise a en effet été mis en avant dans les motifs d’acceptation de celle-ci.

dimanche 9 août 2015

Mélanges pour le 30e anniversaire de l'Institut National des Sciences Comptables et de l'Administration d'Entreprises (INSCAE)




http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=42618
IntroductionVictor Harison
Sur l'enseignement de l'éthique des affaires : le cas de l'INSCAEVictor Harison
Le management de la diversité: quels enseignements ?Claudine Ratsimbazafy
Diversité et genre : une analyse prospective des impacts de l'approche différenciée selon le genre sur la performance de la Fonction Ressources Humaines (FRH)Lovanirina Ramboarison - Lalao et Gilles Lambert
Les comportements des clients citadins malgaches face à un service d'assistance clients : cas de la Société OrangeLova Mirella Rakotomalala Ramandimbiarison
Portage commercial équitable : nouvelle pratique des affaires ?Eric Milliot et Shawna Milliot - Guinn
Leadership Qualities Required by Executives in the South African Banking IndustryRasoava Rijamampianina
Sustainable entrepreneurship : the centrality of entrepreneurial capabilities and educational challengesJean - Jacques Obrecht
Complémentarité des formes organisationnelles et nature de l'environnement. Une approche "biologique" de la gouvernanceFabrice Roth
Systèmes comptables, normes comptables internationales et développement économique des paysGeneviève Causse

Denise Cléroux : comment conquérir le monde avec un chapeau Jacqueline Cardinal

 https://drive.google.com/file/d/0B28LIEw6t7gtMEpyZV9za3c0dEk/view?usp=sharing
 Malgrés tout nous encourage à considérer, que Madagascar serait magnifique, aves une fée ,dotée du génie blanc , permettant aux gasy de s'épanouir
Sur le role des syndicats dans histoire gasy, le dernier bouquin de Frémigacci, est plus sérieux,
Parallléle amusant avec le cas famille De Heaulne ( Berenty )
conte de fée , censé illustré ce qui serait possible, à Madagascar sans les gasy
Une chercheuse US ' Jolli Alison ) s'est penchée sur moeurs ( matriarcat ) des lémurien(e)s , ,alors qu'elle est trés engagée réflexion féministe par ailleurs, 
et, témoigne d'une complaisance, émue sur noblesse d'ame de cette famille,

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Née dans une ferme de la Montérégie au Canada, Denise Cléroux partit enseigner les mathématiques à Madagascar à l’âge de 30 ans pour l’Agence canadienne de développement international, mieux connue sous l’acronyme ACDI. Attirée par l’aventure, elle entreprit le long voyage avec son jeune fils, laissant derrière elle un mariage qui battait de l’aile. Elle fut conquise par les habitants de cette grande île oblongue de l’océan Indien aux paysages époustouflants. Elle s’y installa à demeure, s’y maria et eut deux autres enfants.
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En voulant faire connaître les merveilles de l’artisanat malgache, elle se découvrit une âme d’entrepreneure et vendit à travers le monde des centaines de milliers d’objets en cuir de zébu, en papier antemoro et en raphia, dont les célèbres chapeaux Kaminski, formant et éduquant sur deux décennies des générations d’ouvrières d’Antananarivo, auparavant démunies et analphabètes, mais désormais fières de pouvoir vivre du travail de leurs mains.




Du rang des Écossais jusqu’à Farnham

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Au début des années 1940, la vie était difficile pour les fermiers de Sainte-Brigide, en Montérégie. Pour mieux subvenir aux besoins de sa famille, Jean-Louis Cléroux décida de quitter le rang des Écossais et d’aller s’installer dans la ville de Farnham, située à cinq kilomètres. Lui et sa femme Rita Lasnier voulaient profiter de l’activité économique engendrée par la présence d’une usine de papier et du camp militaire que le gouvernement fédéral y avait construit en ces années de guerre. Les grands-parents maternels, Ulric et Martha Lasnier, qui habitaient la ferme d’à côté sur le rang des Écossais avec leur autre fille Irène, leur offrirent de garder la petite Denise, qui venait de naître, le temps qu’ils s’installent.
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Jean-Louis et Rita louèrent un vaste appartement à Farnham pour pouvoir sous-louer des chambres aux familles qui venaient visiter les soldats du camp militaire. Plus tard, ils firent l’acquisition d’une grande maison pour en héberger plus. Jean-Louis s’acheta une voiture et s’improvisa aussi chauffeur de taxi pour véhiculer ces familles.
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Quelques années plus tard, les grands-parents Lasnier décidèrent d’aller rejoindre leur fille Rita à Farnham. Ils achetèrent la maison voisine et s’y installèrent. Ils continuèrent de garder sous leur toit la petite Denise, qui avait maintenant neuf ans.




Une enfant à part

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Bien sûr, Denise allait souvent voir ses parents et ses frères et sœurs d’à côté, mais contrairement à eux, sa maison, sa chambre, ses habitudes étaient chez ses grands-parents dont elle était devenue la raison d’être et le centre d’attention.
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D’un tempérament curieux, elle était habile de ses mains, de sorte que sa grand-mère et sa tante Irène lui apprirent très tôt à lire, à compter, à coudre, à broder, et à tisser sur l’imposant métier de bois qui occupait une grande partie de l’étage principal. Denise en garda pour la vie le goût de la lecture, de l’artisanat et du travail manuel, et surtout la conviction intime qu’elle pouvait tout faire. À l’école, elle suivit des cours de piano dans lesquels elle excellait.
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Lorsque le temps fut venu d’aller au secondaire, ses parents l’inscrivirent au couvent des Sœurs de la Présentation de Marie, à Granby, puis elle partit faire ses études collégiales à l’école normale de Saint-Hyacinthe. Elle suivait en même temps ses cours de piano à l’école de musique située en face. Pour s’y rendre, elle devait sortir de son pensionnat et traverser la rue. Au hasard de ses allers-retours, elle fit la connaissance d’un jeune homme. De passage dans sa ville natale de Saint-Hyacinthe, Jean Deslandes était étudiant en arts décoratifs à Montréal. Il avait remarqué la jolie collégienne et l’emmenait souvent en balade sur son scooter dans la campagne des alentours.
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Les fréquentations menèrent rapidement à une relation assez sérieuse pour que le mariage fût envisagé. La cérémonie eut lieu à Farnham le 25 juin 1960. Denise avait 20 ans.




Le Mexique et Madagascar

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Le jeune couple partageait un goût pour l’aventure. Après une courte lune de miel, ils partirent pour le Mexique. Denise était enthousiaste à l’idée de connaître le pays des Mayas avec l’homme qu’elle avait épousé. Ils découvriraient ensemble les splendeurs de l’architecture et de l’artisanat mexicains. Leur objectif était d’y rester deux ans.
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Denise s’aperçut bientôt qu’elle était enceinte. Le 1er mars 1961, elle accoucha à Mexico d’un garçon qu’elle prénomma Jean-Pierre. Leur séjour s’écourta brusquement lorsque son mari accepta une offre d’emploi d’un cabinet d’architectes de Saint-Hyacinthe. Il l’obligea à rentrer au pays. Le rêve de Denise de connaître le Mexique en profondeur s’envolait. Elle en éprouva une profonde déception.
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La petite famille aboutit à Montréal en 1963, à l’époque où le Québec s’ouvre à la modernité. Pendant quelques années, leur vie se déroule normalement, mais les bouleversements sociaux rattrapent le couple, qui finit par mener des vies professionnelles et conjugales séparées. En 1966, Denise obtient le divorce et la garde de son enfant. S’ensuit une période où elle doit compter sur sa débrouillardise pour vivre. Grâce à sa taille élancée, sa beauté et son élégance naturelle, elle fait du mannequinat tout en donnant des cours de piano. Elle s’inscrit à l’université en mathématiques le jour, et travaille le soir dans un centre culturel hispanique. Une amie qui connaît son goût pour les voyages lui parle de l’ACDI, qui cherche des candidats pour aller enseigner à l’étranger. En 1969, Denise remplit les formulaires pour aller au Cambodge, un pays dont la culture millénaire l’attire.
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Quelques mois plus tard, elle apprend que sa candidature est retenue. Elle accepte avec enthousiasme, mais malheureusement, à cause du danger que pose l’arrivée des Khmers rouges, Denise doit choisir une autre destination. Parmi les pays possibles, elle pointe Madagascar, un pays de rizières, comme le Cambodge. Elle part en 1970 et y emmène son fils, qui a alors neuf ans.




Les marchés publics

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Elle prévoit enseigner les mathématiques pendant deux ans, puis revenir au Canada. Dans ses temps libres, elle fréquente les nombreux marchés de plein air, qui l’émerveillent. En compagnie de son fils qui la suit partout, elle va à la rencontre des habitants du pays, de ses paysans et surtout de ses artisanes. Elle admire les magnifiques tissus de soie sauvage bariolés, les produits de vannerie, de raphia tressé, de broderie ou de papier « antemoro », particulier à Madagascar, où elle se sent de plus en plus chez elle.
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Par l’intermédiaire de collègues français, elle fréquente des milieux de journalistes, de professeurs d’université et de leaders d’opinion contestataires. Elle s’engage dans leur lutte en fondant avec eux et en soutenant financièrement leur journal, le Tselatra. Elle se découvre des affinités avec le journaliste Charles Ramampy, qu’elle épouse en 1971. Elle résume ce qu’elle a vécu pendant ces années troubles : « J’ai épousé leur cause ; j’ai épousé un pays ; j’ai épousé un Malgache. » Elle était loin de se douter que ce groupuscule deviendrait un jour une force majeure sur la scène politique malgache.




L’ambassade du Canada

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Après le mariage, le couple s’installe à la campagne, en banlieue d’Antananarivo. Ils y resteront cinq ans. Denise y donnera naissance à deux filles et elle apprendra à connaître la vie rurale, le mode de vie rudimentaire des paysans, leur mentalité et leur langue. De retour dans la capitale à la suite de circonstances difficiles, Denise se retrouve encore une fois seule pour faire vivre son fils de 15 ans et ses deux filles. Elle se tourne vers l’ambassade du Canada, située en Tanzanie, qui lui offre un contrat de six mois comme agente d’information, puis un emploi de trois ans comme agente de liaison pour Madagascar. Son fils retourne à Montréal chez son père pour poursuivre ses études secondaires et universitaires. Diplômé de Polytechnique, il deviendra ingénieur avant de revenir à Madagascar quelques années plus tard.
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Pendant ce temps se déroulera une période active pour Denise Cléroux. Elle se fera connaître en tant qu’intermédiaire efficace pour les entrepreneurs canadiens désireux d’investir à Madagascar. Sa connaissance de la langue locale et ses entrées auprès de membres du nouveau gouvernement, qu’elle avait connus à l’époque de leur action révolutionnaire, la servent. Elle ouvre un bureau de représentation sur le plus grand boulevard de la capitale où elle devient une incontournable autant pour les Canadiens qui s’intéressent à Madagascar que pour les Malgaches désireux de faire affaire avec le Canada. Sans relâche, débordante d’énergie et d’enthousiasme, elle sillonne le pays et fait souvent l’aller-retour entre le Canada et Madagascar.




Le cuir de zébu

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En septembre 1987 s’ouvre le premier Forum d’affaires francophone organisé à Montréal. Elle s’y rend, bien décidée à faire valoir le potentiel commercial de Madagascar. Elle y rencontre un entrepreneur québécois qui veut importer du cuir. Bien au fait qu’il existe, selon le proverbe, « autant de zébus sur Madagascar que de Malgaches », elle voit immédiatement l’occasion à saisir, même si elle ne connaît rien au tannage du cuir.
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De retour sur son île, elle obtient une subvention de l’ACDI, Coopération industrielle, et entreprend d’ouvrir un petit atelier, de trouver un fournisseur de cuir, d’engager des ouvriers qui couperont les peaux en lanières et en fabriqueront d’abord des ceintures, puis des bretelles et même des mallettes, qu’elle expédie par pleins conteneurs au Canada. Devant le succès qu’obtiennent ses produits faits main, qui donnent du travail à une dizaine d’ouvriers, elle compte bien ne pas s’arrêter aux zébus, et cherche un gagne-pain équivalent à offrir aux femmes artisanes.

Un ouvrier prépare une peau de cuir de zébu pour la fabrication de ceintures. Plus bas, Denise Cléroux dans un marché aux fleurs d’Antananarivo en 1970.




Le papier antemoro

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Dès ses premières visites aux marchés publics de la capitale, elle avait remarqué de petits cadres décoratifs montrant des poèmes écrits à la main sur le fameux papier « antemoro ». Elle apprend que ce papier, à la fois soyeux et texturé, est fait d’une pâte produite à partir de l’écorce d’havoa, une essence de mûrier poussant uniquement dans le sud de Madagascar. Elle décide alors de fabriquer ce papier et d’en tirer de petits objets décoratifs qui seront ornés, non pas de poèmes manuscrits, mais de fleurs fraîchement cueillies. Les résultats sont décevants, car la pâte qui lui est livrée n’est pas celle du véritable papier antemoro.
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Loin de se décourager d’avoir été trompée par son fournisseur, elle demeure résolue à aller au bout de son idée. Elle retourne au marché public et y fait la rencontre d’une artisane, Flavie Rasolonirina, qui vend le papier qu’elle fabrique elle-même selon les coutumes ancestrales dans son village d’Ambalavao, situé au sud-est de Madagascar. Denise lui demande si elle peut l’aider à engager et à former des ouvrières qui fabriqueraient des pièces décoratives avec ce papier, pour exportation.
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Flavie accepte. Commence alors une grande aventure. L’atelier de fortune déjà en place grandit jusqu’à produire des tonnes de papier antemoro. Sous l’habile direction de Flavie et de Denise Cléroux, les ouvrières apprennent à fabriquer le papier, à le couper en rectangles identiques, à y déposer des fleurs fraîchement cueillies, à les recouvrir d’une mince couche de colle au tapioca et à les faire sécher au soleil. Il fallait montrer à ces femmes démunies et analphabètes à se présenter au travail tous les matins de la semaine, à se servir d’une règle, à compter, à suivre des instructions précises et surtout à gérer le salaire qu’elles rapportaient à leur mari chaque soir, ce qui marquait en soi le début d’une révolution sociale.
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Sur une période de 20 ans, ces pièces décoratives et objets de papeterie ont été vendus à plus de 2,5 millions d’exemplaires, partout en Europe et au Japon, et principalement aux États-Unis par l’intermédiaire d’une entrepreneure américaine, Erika Horn, dont Denise Cléroux avait appris l’existence par l’atelier de papier Saint-Gilles de Saint-Joseph-de-la-Rive, dans Charlevoix. Ainsi, par pur hasard, cette Californienne dynamique avait été mise en contact avec Denise Cléroux, la « Canadienne de Madagascar », qui lui avait promis de lui expédier autant de pièces décoratives qu’elle pouvait en écouler sur le marché américain.
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La consécration vint le jour où des représentants de l’UNICEF lui commandèrent des cartes de Noël. Pendant trois ans, durée limite pour les contrats accordés par l’organisme, les Ateliers Denise Cléroux expédièrent des milliers de cartes de Noël en papier antemoro à travers le réseau de l’UNICEF, faisant ainsi connaître l’artisanat et le savoir-faire malgaches à travers le monde. Denise Cléroux et ses ouvrières en étaient particulièrement fières.

Denise Cléroux tient dans ses mains une photo montrant des ouvrières de l’atelier de raphia.
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Par un autre de ces hasards étonnants, une rencontre inattendue marquera, en 1989, un tournant capital pour les Ateliers Denise Cléroux de Madagascar, faisant cette fois accéder l’artisanat malgache à un prestigieux rayonnement international.




Helen Kaminski

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Helen Kaminski, designer australienne, décide un jour de dessiner et de commercialiser d’élégants chapeaux à large bord en fibre de raphia, un palmier à tiges robustes et à longues feuilles poussant à Madagascar, en Afrique tropicale et en Amérique équatoriale. Après quelques tentatives infructueuses avec des artisans chinois installés en Australie, elle se tourne vers Madagascar, dont on lui vante la fiabilité du matériau. En avril 1989, elle débarque dans la capitale, Antananarivo, bien décidée à trouver la perle rare qui lui fournira les tresses de raphia de la qualité qu’elle recherche.
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À l’hôtel Hilton où elle descend, elle fait la rencontre d’un Canadien travaillant pour la Banque mondiale. Elle lui demande s’il connaît quelqu’un à Madagascar qui peut tresser du raphia. Il téléphone aussitôt à Denise Cléroux. Il a devant lui, lui dit-il, une Australienne qui cherche quelqu’un capable de tresser du raphia. Denise Cléroux lui répond spontanément : « Je ne connais rien au raphia, mais je sais tresser le cuir, donc je peux tresser du raphia. » Quelques minutes plus tard, les deux femmes se rencontraient dans le hall du Hilton d’Antananarivo. Ce fut le début de la grande aventure des chapeaux Kaminski.
Le leadership de Denise Cléroux en cinq volets
UN PROJET :
  • Faire connaître l’artisanat malgache
DEUX APPUIS :
  • L’ACDI
  • L’ambassade du Canada en Tanzanie
TROIS MATÉRIAUX :
  • Le cuir de zébu
  • Le papier antemoro
  • Le raphia
QUATRE POINTS TOURNANTS :
  • L’adoption par ses grands-parents
  • Le retour du Mexique
  • Le voyage à Madagascar
  • Les Ateliers Denise Cléroux (4 000 ouvrières)
CINQ ATOUTS :
  • Le goût de l’aventure
  • Le sentiment de « pouvoir tout faire »
  • Le talent de bien s’entourer
  • Le travail sans compter
  • Le souci de la perfection




De la tresse au chapeau

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La collaboration entre Helen Kaminski et Denise Cléroux évolua avec les années. En premier lieu, il s’agissait d’envoyer en Australie des conteneurs entiers de tresses de raphia que Denise faisait faire par la quinzaine d’ouvrières supplémentaires qu’elle avait recrutées et formées à cette fin. De son côté, Helen confia la confection des chapeaux à des artisans d’Australie, mais la qualité du travail laissait à désirer. Elle fit alors appel à Denise Cléroux non seulement pour fabriquer les fibres de raphia et les tresser, mais pour confectionner les chapeaux à partir de ses dessins.
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Fidèle à elle-même, Denise Cléroux releva le défi, même si elle n’avait jamais fait ce genre de travail, y voyant un autre débouché pour ses ouvrières. Après quelques semaines d’essais et erreurs, elle finit par réaliser un patron et un prototype pour le modèle de chapeau « Classic ». Il s’agissait ensuite de diviser le travail en différentes étapes (bord, calotte, liséré, coussinet intérieur, bourdalou) et de le répartir entre ses ouvrières en tenant compte du fait qu’il fallait une seule tresse parfaitement uniforme par chapeau. Ce délicat travail de confection s’ajoutait à celui de la fabrication de la fibre et du tressage du raphia déjà en place. En quelques années, les Ateliers Denise Cléroux passèrent d’une dizaine d’ouvriers affectés aux produits de cuir de zébu et d’une quinzaine d’artisanes supplémentaires pour le papier antemoro, à plus de 4 000 ouvrières, contribuant ainsi à faire progresser considérablement l’économie malgache.

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De son côté, depuis l’Australie, Helen Kaminski mit sur pied un service de commercialisation. Elle recruta Yvan Hull, un Américain spécialisé dans le marketing de produits de luxe. Il réussit à faire connaître et à distribuer le « Classic », et les autres modèles qui vinrent par la suite, dans les boutiques huppées des États-Unis, d’Europe et d’Asie. Porter un chapeau Kaminski, que l’on reconnaissait à son petit grain de raphia en étain piqué sur la base de la calotte, devint du dernier chic. Des têtes couronnées, des célébrités du monde des affaires et de la politique, de même que des stars de cinéma arboraient fièrement les magnifiques chapeaux griffés Kaminski dont on vantait le style « casual elegant ». Hillary Clinton avait le sien, de même que Nicole Kidman et Sandra Bullock qui les portèrent dans des rôles au cinéma. Au fil des ans, la production atteignit les centaines de milliers de chapeaux par année pour des dizaines de modèles déclinés en plusieurs couleurs en raphia teint dans des cuves ajoutées dans l’atelier. Chaque chapeau, qui avait coûté environ 20 $ à produire à Madagascar, se vendait au bout de la chaîne d’intermédiaires jusqu’à 500 $, selon le modèle, dans les boutiques haut de gamme de ce monde.

Fabrication des mallettes en cuir de zébu dans les Ateliers Denise Cléroux : tissage du cuir et façonnage des poignées en bois de palissandre. À gauche, séchage du papier antemoro.

Photod : assistant : Martin Girard pour shootstudio.ca - Assistant photo : Martin Gros - maquillage et coiffure : Mélanie Champag
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Pour occuper ses ouvrières dans les périodes creuses, Denise Cléroux demanda à Helen Kaminski de dessiner des sacs de raphia, qui envahirent les boutiques d’artisanat à travers le monde. Quelle femme occidentale des années 1990 n’a pas eu un jour son petit sac de raphia pour faire ses courses, sans savoir qu’il provenait des Ateliers Denise Cléroux de Madagascar ?




L’année 2009

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Près de 40 ans après son arrivée à Madagascar, Denise Cléroux se résigna, en 2009, à fermer son grand atelier. Des tracasseries administratives et des démêlés avec des agitateurs syndicaux eurent raison de son énergie et de sa patience. Une certaine fatigue se faisait sentir. En outre, ses deux filles nées à Madagascar étaient désormais installées à Montréal, où elles avaient bâti leur vie, avec profession, mari et enfants. Était-il temps de vendre ses installations, de se délester de ses responsabilités de gestionnaire pour être en mesure de se rendre plus souvent, par un étrange retour des choses, dans son pays natal pour voir grandir ses petits-enfants ?
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L’opération fut complexe. On ne ferme pas facilement un atelier de 4 000 ouvrières. Sur une période de cinq ans, les installations et les équipements ont été liquidés et les ouvrières, fortes de leurs états de service aux réputés Ateliers Denise Cléroux, se sont facilement retrouvé du travail. Aujourd’hui, les chapeaux Kaminski sont fabriqués à meilleur coût au Sri Lanka, mais ils le sont toujours avec du raphia fièrement fait et tressé à Madagascar.




L’art de se délester

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En plus de fermer son atelier, Denise Cléroux a décidé de faire don de son domaine en banlieue d’Antananarivo au père Pedro Opeka, prêtre d’origine slovène naturalisé argentin, qu’elle connaît bien et qui a passé sa vie à aider les pauvres de Madagascar. Un village sera bientôt construit pour accueillir ses protégés. Elle fera aussi l’objet d’une biographie racontant sa fabuleuse histoire. Ainsi, non seulement elle laissera une trace de ce qu’une femme déterminée peut faire dans un pays d’Afrique, mais elle exprimera aussi sa reconnaissance et rendra hommage à toutes les ouvrières qui, par leur talent, leur fierté et leur enthousiasme, ont réussi, avec elle, à donner à l’artisanat malgache ses lettres de noblesse et à le faire connaître à l’échelle de la planète.




Note

[1]
Cet article s’inspire de quatre entrevues données à l’auteure par Denise Cléroux les 26 août, 4 septembre et 6 septembre 2013, et le 26 mars 2015 à HEC Montréal.

Résumé


Français

Comment Denise Cléroux s’est-elle retrouvée à Madagascar à la tête d’un important atelier où plus de 4 000 ouvrières tressaient en raphia les élégants chapeaux Kaminski vendus par centaines de milliers dans les Holt Renfrew de ce monde ? Voici l’histoire inspirante d’une femme devenue une leader du développement durable en faisant connaître à l’échelle internationale les merveilles de l’artisanat malgache pour lequel elle avait eu le coup de foudre à sa descente d’avion. [1]

Plan de l'article

  1. Du rang des Écossais jusqu’à Farnham
  2. Une enfant à part
  3. Le Mexique et Madagascar
  4. Les marchés publics
  5. L’ambassade du Canada
  6. Le cuir de zébu
  7. Le papier antemoro
  8. Helen Kaminski
  9. De la tresse au chapeau
  10. L’année 2009
  11. L’art de se délester
https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RIGES_402_0012&DocId=436032&hits=3683+3665+3606+3548+3493+3420+3368+3235+3191+3178+3046+2858+2560+2522+2428+2361+2338+2296+2289+2236+2155+1914+1806+1596+1593+1568+1535+1505+1501+1445+1411+1385+1269+1249+1157+1054+726+132+47+